La nature humaine est parfois surprenante. Parmi toutes les affaires traitées hier par le tribunal de Sidi M'hamed, la seule qui aura réellement tenue la salle d'audience en haleine est une histoire conjugale sordide. Lorsque la juge appela les personnes impliquées dans cette affaire, qui portaient toutes le même patronyme, et qu'elle annonça la cause de leur présence à la barre, «Coups et blessures», personne ne s'en étonna outre mesure. Une autre histoire de femme battue par son mari, pensèrent-ils assurément. Ils tombèrent cependant des nues quand ils prirent connaissance de la suite de l'affaire. Car, une fois n'est pas coutume, c'est la mère de famille, d'un certain âge, qui était dans le box des accusés, incriminée d'avoir battu son … mari ! Intriguée, la juge, en lisant le dossier, fronça des sourcils et demanda : «Vous êtes divorcés, mais vous vivez ensemble ?» L'inculpée se lança dans la narration de son «histoire», sous l'œil interrogateur des magistrats et les marques d'étonnement et de désapprobation de l'ensemble de l'audience. Ainsi, le père de famille, cheveux et barbe grisonnants, répudia sa femme sans que cette dernière ne le sache. Elle ne le découvrit que quelques mois plus tard. «Nous vivions pourtant comme mari et femme durant tout ce temps et nous partagions même le même lit», assura-t-elle, interrompue par la juge qui lui demanda comment vivaient-ils depuis le divorce. Elle déclara qu'ils logeaient sous le même toit, mangeaient à la même table, regardaient la télévision ensemble, en faisant toutefois chambre à part. «Nous menions, jusqu'à présent, une vie de famille des plus normales», ajouta-t-elle. «Normale ? Si vous n'en étiez pas arrivé là !», s'esclaffa la présidente, en invitant l'accusé à s'expliquer quant au chef d'inculpation. «Je ne l'ai jamais frappé ! C'est lui qui, depuis que nous sommes mariés, me battait régulièrement et c'est ce qui s'est passé cette fois-ci. Il m'a agressé et m'a asséné des coups avec une pelle. J'ai un certificat d'invalidité délivré par un médecin. Seulement, je n'ai pas voulu porter plainte contre le père de mes enfants», s'indigna-t-elle. Pourtant, le père et ses deux filles, dans leur témoignage, affirment le contraire. Le mari déclara : «Cette femme est folle, c'est une hystérique. Elle me frappe violemment tous les jours depuis des années et elle en fait de même avec nos enfants». Rires des magistrats et de l'assistance qui suivaient avec une vive attention cette histoire peu commune. Nombre d'avocats se rapprochèrent des personnes présentes à la barre, pour former un cercle autour d'eux, ne manquant pas de rire sous cape pour certains ou de hausser les épaules de consternation et d'irritation pour d'autres. Puis, ce fut au tour du procureur d'afficher son indignation quant à cette affaire, particulièrement concernant le mode de vie du couple, à savoir qu'ils avaient décidé de continuer à vivre ensemble malgré leur divorce. «Et vous avez eu de la chance ! Nous sommes souvent confrontés à des situations similaires, au détail près que l'un des ex-époux est accusé du meurtre de l'autre !», s'exclama-t-il. Le verdict sera connu le 24 février.