L'ancien footballeur Ali Bencheikh, devenu « consultant » appelait récemment sur le plateau d'une chaine « thématique » les imams et les fidèles à parler dans les mosquées de la corruption qui ronge le football algérien. Tout le monde connait la truculence et la hauteur intellectuelle du personnage. Ce qu'on n'arrive pas à connaitre, c'est la réelle vocation de cette chaine où il opère, qui nous sert systématiquement un prêche entre un programme foot et un programme foot. Mais ce n'est pas le propos d'aujourd'hui. Ali Bencheikh n'a pas une réputation d'opposant aux lois positives du pays, pour proposer de passer outre en substituant la mosquée au tribunal et les imams aux juges et policiers réunis. C'est peut-être plus grave : il a formulé son « idée » avec un tel aplomb, une telle assurance qu'il est difficile de trouver dans son propos le ton de quelqu'un qui transgresse la « normalité ». Et pour cause, Bencheikh, qui vit en Algérie sait ce qui s'y passe. Le recours à la « sagesse », l' « impartialité », la « compétence » et la « moralité » supposées indiscutables des imams, quand ce n'est pas carrément le premier barbu du quartier pour régler les litiges de la vie courante entre citoyens est une pratique consacrée depuis longtemps. Tant qu'à faire, on peut aller plus loin. Et on y va : désormais, dans beaucoup d'endroits, saisir la force publique, justice et services de sécurité, est désormais... honteux et pour garder intacte sa rectitude morale, il convient de ne pas « en arriver là ». Ce n'est même plus la nature des différends entre personnes qui embarrasse les protagonistes mais la façon de les régler, l'espace et les hommes choisis pour obtenir réparation, démentir une accusation ou « couper la poire en deux ». Si un vol ou une agression sont « pris en charge » par l'imam ou le barbu du coin, ils sont déjà... à moitié pardonnés, seul le fait d'en appeler au droit positif et aux institutions publiques qui en sont chargé fait jaser dans les chaumières. Après tout, l'Etat, dans toute sa splendeur fait la même chose. Périodiquement, on sollicite la mosquée pour « populariser » des mesures qu'on n'arrive pas à faire passer politiquement, la police se fait aider dans sa chasse aux couples qui s'isolent pour un câlin, de respectables entreprises ou institutions publiques font appel à de supposées « autorités morales » pour venir à bout de conflits de travail, le ministre du culte somme les imams d' « investir la toile »... Et maintenant, un intégriste notoire s'est invité dans la grève des enseignants pour jouer les intermédiaires entre le... ministère et le syndicat !