La situation s'est aggravée hier en Syrie avec l'annonce d'un exercice militaire israélo-américain en Méditerranée. Israël qui avait, jusque-là, déclaré ne pas s'impliquer dans le conflit interne syrien risque d'attiser la tension au Moyen-Orient avec ces exercices de missiles balistiques, au moment où des voix appellent, avec insistance, les Etats-Unis à éviter le recours à l'intervention militaire contre la Syrie. En effet, la Russie a détecté hier matin le lancement de deux missiles balistiques en mer Méditerranée, a annoncé le ministère de la Défense cité par les agences. «Le lancement a été détecté par les stations radar à Armavir (sud de la Russie)», selon le ministère qui a ajouté que le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, en a informé le président Vladimir Poutine. Selon la source, la trajectoire de ces missiles passait «de la partie centrale de la Méditerranée en direction du littoral oriental». Les deux missiles sont tombés dans la mer méditerranéenne, ont affirmé des médias russes, citant des sources à Damas. Londres a révélé qu'il était au courant du tir des missiles et démenti toute responsabilité dans ce tir. Peu auparavant, l'ambassade russe en Syrie a déclaré qu'il n'y a pas de preuves sur une attaque balistique ou explosions à Damas. Israël a annoncé avoir mené hier, conjointement avec les Etats-Unis, un test de missile en Méditerranée. Aucune explosion n'a été signalée à Damas, ont cependant indiqué des sources officielles syriennes, selon lesquelles les missiles sont tombés en mer. Le ministère israélien de la Défense a précisé avoir testé «un missile-cible utilisé dans le cadre de son système de défense antimissile». Les Etats-Unis ont, de leur côté, démenti avoir procédé à un tir de missile balistique. «Aucun missile n'a été tiré à partir d'un navire américain en Méditerranée», a déclaré un porte-parole du quartier général de l'US Navy en Europe. La Russie a reproché à Washington d'attiser les tensions en déployant des navires de guerre en Méditerranée orientale. «La pression exercée par les Etats-Unis pose un problème particulier», a déclaré dans la matinée un responsable du ministère russe de la Défense, Oleg Dogaïev, cité par l'agence Itar-Tass. «L'envoi de bâtiments armés de missiles de croisière en direction des côtes syriennes a des répercussions négatives sur la situation dans toute la région», a-t-il ajouté. Les Américains ont en Méditerranée orientale cinq destroyers et un navire amphibie. Le porte-avions Nimitz et quatre autres navires sont entrés lundi en mer Rouge. Conférence Genève 2 Dans ce contexte de tension, l'Union européenne (UE) a jugé nécessaire de tenir la conférence Genève 2 sur la Syrie malgré l'intention de certains pays occidentaux de lancer une opération militaire contre la Syrie, a déclaré hier Michael Mann, porte-parole de la Haute Représentante de l'UE pour les affaires étrangères, Catherine Ashton. Selon le diplomate, Bruxelles a pris en considération les informations provenant de Washington, de Paris et d'autres capitales, selon lesquelles les troupes syriennes auraient employé des armes chimiques près de Damas le 21 août dernier. Toutefois, l'UE préfère attendre les résultats de l'enquête lancée par l'ONU avant d'exprimer sa position à ce sujet. D'anciens hauts fonctionnaires de l'ONU ont lancé également un appel contre une frappe occidentale. Un ancien secrétaire général adjoint de l'ONU, le comte Hans-Christof von Sponeck, a publié lundi sur le site du quotidien suisse Le Temps un appel contre une intervention militaire occidentale en Syrie. Quatre anciens hauts fonctionnaires des Nations unies, Denis Halliday, Saïd Zulficar, Samir Radwan et Samir Basta apportent leur soutien à cet appel. «Même si des preuves étaient fournies par des gouvernements occidentaux, il y a lieu de rester sceptique en se souvenant de tous les prétextes discutables ou fabriqués utilisés pour justifier les guerres antérieures», écrit le comte von Sponeck, qui a été coordinateur humanitaire des Nations unies en Irak de 1998 à 2000. «L'époque où les Etats-Unis et les quelques alliés qui leur restent agissaient comme des gendarmes du monde est révolue. Le monde devient plus multipolaire et les peuples du monde veulent plus de souveraineté, pas moins», affirme-t-il. «Les gouvernements syrien, iranien et russe ont fait des offres de négociations qui ont été traitées par le mépris en Occident», poursuit l'ancien haut fonctionnaire. «Le véritable courage ne consiste pas à envoyer des missiles de croisière (...) il consiste à rompre radicalement avec cette logique mortifère : obliger Israël à négocier de bonne foi avec les Palestiniens, convoquer la conférence Genève 2 sur la Syrie et discuter avec les Iraniens de leur programme nucléaire», estime M. von Sponeck. Le président français Hollande a été aussi interpellé sur la Syrie. «On n'a rien à faire dans une guerre qui n'est pas la nôtre», a lancé un homme lors d'une visite de François Hollande à Denain, dans le Nord, lui demandant de ne pas intervenir en Syrie et de laisser «les Syriens s'occuper de leurs problèmes». L'appel du pape François à jeûner et prier samedi contre toute solution armée en Syrie a déjà recueilli des adhésions au-delà de l'Eglise catholique, parmi les musulmans et non-croyants et au sein du gouvernement italien. Selon plusieurs grands journaux italiens, le grand mufti Ahmad Badreddin Hassoun, chef de l'islam sunnite en Syrie, a accueilli favorablement l'appel : il voudrait même se rendre sur la place Saint-Pierre - même si sa présence est peu probable - et a demandé aux fidèles musulmans de s'associer à la prière du Pape. Une autre adhésion a été enregistrée, celle de la ministre italienne des Affaires étrangères, Emma Bonino, une athée convaincue membre du Parti radical connu pour d'âpres luttes dans les années 1970 pour le divorce et l'avortement, qui s'est dit prête à jeûner aussi pour la paix. Il y a des prières laïques auxquelles je tiens énormément. La non-violence est dans mon ADN, et je ne me défile jamais devant une initiative non violente, a-t-elle expliqué, alors que l'Italie s'est positionnée contre une intervention militaire en Syrie. Le ministre italien de la Défense, Mario Mauro, un catholique conservateur, a indiqué vouloir participer au jeûne. D'importants mouvements catholiques comme les Focolari et Sant'Egidio - très engagés dans les négociations discrètes de paix sur divers continents - ont affirmé leur plein soutien à l'initiative du Pape. François avait demandé aux chrétiens de toutes confessions, aux croyants des autres religions, aux athées de s'associer à son appel. Il a appelé les catholiques à jeûner et organiser des veillées de prière samedi.