Les cours particuliers, ou comme les appellent certains les cours de soutien, se généralisent à Tlemcen. On loue appartements ou autres espaces, on les aménage en salles de classe et le tour est joué. S'en suit «le racolage» des élèves de tous les paliers et convaincre les parents et les persuader de la nécessité d'un tel soutien surtout à l'approche des examens de fin d'année. Ce sont les enseignants qui en convainquent leurs élèves de classe et les parents, soucieux de la réussite de leurs enfants, de se plier à leurs exigences. Ils sacrifient alors une part de leurs revenus pour ce «noble» objectif. Les prix pratiqués par les enseignants varient selon la matière et le cycle. Pour le primaire, il est exigé 5000 dinars par mois par contre pour les classes de terminales c'est 1000 dinars l'heure et pour chaque matière. Pour la 4e année moyenne cela varie entre 3000 et 4000 dinars par mois et à l'approche de l'examen du BEM, les cours sont payés à l'heure et par matière. Soit 800 dinars l'heure. Toutes ces écoles privées clandestines, déguisées en salles de cours particuliers, reçoivent quotidiennement entre 30 et 40 élèves, tous paliers confondus. Selon un enseignant, «ils perçoivent entre 25.000 et 30.000 dinars par jour. L'enquête que nous avons menée auprès des élèves et des parents démontre d'un coté le laxisme de l'état face ce phénomène et d'un autre coté la face cachée de ce ‘commerce informel' exercé par certains enseignants sans scrupules». Pression sur les élèves «Je n'avais aucun choix», affirme Sidi Mohamed car, ajoute-t-il, «les élèves qui suivent les cours particuliers chez notre enseignant sont bien notés en classe contrairement au reste car les sujets des examens sont traités, revus et corrigés lors de ces séances de cours de soutien». Cette version est confirmée par de nombreux élèves dont les parents n'ont pas les moyens de faire suivre à leurs enfants des cours de soutien. A les entendre, on a conclu que les enseignants ne font aucun effort pour assurer leur mission au niveau des établissements scolaires. Ils sacrifient les intérêts des élèves au profit de leurs propres intérêts. Ils soignent aussi leurs images auprès de leurs établissements car la majorité des élèves soutenus par leurs cours obtiennent de très bonnes moyennes durant leur cursus scolaire. Mais ces notes reflètent-elles leur réel niveau ? «Non car la majorité des élèves échouent au baccalauréat malgré le nombre important d'heures suivies et chèrement payées», affirment les parents qui crient «à l'arnaque et à l'escroquerie» et d'indiquer que «l'ancienne génération a fréquenté les mêmes écoles et sans aucun cours de soutien. Cela n'a pas empêché sa réussite et un niveau supérieur d'instruction». Ce sont, donc, certains enseignants qui sont pointés du doigt face au «silence des responsables du secteur de l'éducation nationale». Les parents exigent «le retour des inspecteurs et la notation des enseignants» avant de lancer ironiquement : «c'est normal qu'ils appellent à chaque fois à la grève car ils ne sont pas touchés dans leurs poches. Le dernier d'entre eux s'en sort avec des dizaines de millions par mois sans fournir le moindre effort.» Des lieux de cours inappropriés Les salles de cours que nous avons visitées ne répondent à aucune mesure de sécurité et d'hygiène. Ce sont des appartements aménagés, des salles insalubres et mêmes des grands garages qui sont loués et aménagés en salles de cours. Le mobilier scolaire est archaïque et les élèves sont entassés dans des salles ne dépassant guère les 12 ou 16 mètres carrés pour une trentaine d'élèves au minimum. Seul un tableau accroché au mur indique qu'on est dans une salle de cours. Yacine, prépare son baccalauréat. Il nous a visionné à l'aide de son téléphone portable le déroulement d'une séance de cours. C'est la cohue générale. Un exercice de physique est inscrit au tableau et tout un chacun, parmi les élèves, apporte son eau au moulin pour le résoudre à un moment où l'enseignant regarde par la fenêtre et fume tranquillement sa cigarette. A la fin de la séance, il prend une feuille et corrige l'exercice au tableau et demande aux élèves de le recopier. Aucune explication n'est donnée aux élèves et aucune réponse à leurs interrogations. Pour se justifier on entend l'enseignant leur dire : «je vous ai choisis des exercices qui figureront à l'examen du baccalauréat, Il faut donc les apprendre par cœur.» Drôle d'enseignement et de pédagogie. Pourtant cette pratique est strictement illégale et interdite par le ministère de l'éducation nationale. La réalité sur le terrain est toute autre. Il existe des centaines de ces «écoles clandestines» à la Wilaya de Tlemcen sans qu'aucun responsable n'intervienne pour mettre un terme à cette «arnaque» qui demeure un commerce très lucratif pour certains enseignants.