Photo : Riad De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
L'école semble se porter mieux avec les cours de soutien dispensés dans divers espaces aménagés ou improvisés à cet effet. Au départ, le désir de peaufiner ses connaissances portait uniquement sur les classes d'examens. Mais les établissements, voire les enseignants ont fini par élargir les leçons à tous les niveaux . Une défaillance ou une démission des pouvoirs publics, y compris le corps d'enseignants favorisant ce phénomène antipédagogique, parfois. Un dédoublement de personnalité professionnelle caractérise l'école algérienne. C'est un fait que nulle partie, y compris les structures veillant au secteur de l'éducation, ne peut récuser. Des instituteurs sont les acteurs de ce paradoxe qui s'y est ancré depuis quelques années. Les programmes chargés et moult fois revisités allaient favoriser ce script qui plonge les parents dans le doute, émaillant la scolarité administrée en milieu naturel, c'est-à-dire l'école. Il faut croire que les amendements favorables d'ordre socioprofessionnels apportés au secteur n'ont pas amélioré la ligne de conduite de la corporation, sinon comment expliquer cet engouement pour les cours prodigués à titre privé et moyennant des rémunérations basées sur des indices aléatoires. La refonte dans le système éducatif serait plutôt favorable à l'emploi abusif des cours de soutien en milieu extrascolaire que d'une métamorphose ministérielle solide, permettant la compréhension des cours en classe avec un strict respect des aspects pédagogiques par les professeurs en charge du volume horaire. Ce scénario est renouvelé chaque année. Des élèves, impuissants, annoncent d'emblée leur intention pour le cursus : consolider leur formation en recourant à des séances supplémentaires non pas dispensées dans les établissements mais un peu partout à travers ces «écoles parallèles» gérées par ces mêmes enseignants qui activent sous la coupe de l'académie. Avec,en prime, un souhait de décrocher une fin de cycle (baccalauréat) avec une bonne note leur permettant d'opter pour la filière de leur choix. «Ma fille suit des cours chez deux profs distincts pour espérer décrocher son bac avec une excellente moyenne», témoigne un ex-brillant enseignant de mathématiques. Cela ne justifie pas tout, il y a aussi le côté un peu relâché et moins bâti au sein des classes «où des instituteurs ne se donneraient pas à fond, se cachant derrière l'argument des programmes chargés, mais poussant indirectement leurs élèves à puiser dans des cours semblables», argumente un parent. Au fil des années, le phénomène qui attirait l'attention des pouvoirs publics s'est frayé une bonne place et a été approuvé sans souffler mot. La sphère des classes d'examens est largement dépassée, puisque la majorité des catégories, tous niveaux confondus, de la scolarité sont astreints aux leçons de soutien, espérant digérer, à la limite, les chapitres enseignés en classe dite normale. Le ministère de l'Education nationale qui s'articule autour des séances d'évaluation pour épauler les élèves en difficulté n'est pas parvenu à aplanir la situation, tant toutes les disciplines appellent une ou deux heures supplémentaires.
Les cours de soutien touchent même le rang du cycle primaire Un vide qui pousse sans réfléchir les parents à chercher le professeur dont on dit du bien, notamment en matière de présentation des leçons. Pour le prix, personne ne s'en soucie pour peu que le disciple assimile les exercices. Pour au moins 2 000 dinars en solo ou 1 000 dinars en groupe, les deux heures par semaine et par matière donnent aux potaches l'impression d'avoir tout assimilé mais, en réalité, de l'avis de quelques pédagogues, c'est du pur bourrage de crâne car «allier les cours à l'école et aller étudier en dehors des établissements ne laisse point de temps de respirer et de briller dans toutes les matières. Focaliser l'attention sur quelques chapitres au détriment des autres ne travaille pas l'intérêt global de la scolarité», ont-ils noté. Toutefois, aucun débat n'a été initié, jusqu'ici, par les responsables sur ce phénomène allant grandissant et parfois en contradiction avec les alinéas pédagogiques et même déontologiques de la profession. Encore moins les associations des parents d'élèves qui n'ont pas daigné interpeller, tout au moins, l'académie locale pour tenter une compréhension de ce phénomène. «Le sort est scellé, tout le monde se plie au cours de soutien», lâche-t-on autour des établissements. Pris en tenailles, les parents se relayent sur cette nouvelle «scolarité de fortune». De bouche à oreille, les vertus de tel ou tel instructeur sont ainsi émises à tel point que les places sont, souvent, toutes prises ! Si au départ le baccalauréat convenait à cette «mode pédagogique», face à la teneur légère en qualité dans les établissements scolaires, le recours à ce type d'enseignement s'est élargi aux classes du primaire, ce qui est, pour le moins, étonnant. Et les appréhensions des parents et des enfants les obligent à chercher un instituteur pour le weekend en vue «d'affiner» les chapitres non compris par leur progéniture sur le banc de l'école. «Certes, parfois nos enfants sont gardés pour une heure et demie afin de subir des sessions de rattrapage. Mais c'est insuffisant, ce qui me contraint à aller voir ailleurs d'autant que, pour les parents actifs, la tâche reste ardue» témoigne une mère. Un élève de deuxième ou de troisième année du premier cycle qui sollicite des cours demeure une défaillance criarde à corriger au sein du secteur. La refonte scolaire appelle sa configuration similaire dans le corps des enseignants et des programmes. Le nouveau ministre qui annonce une énième révision de l'école algérienne (à travers des commissions nationales de l'éducation) pourrait minimiser ce spectre d'incompréhension ou de démission en milieu scolaire.