Les partis islamistes algériens aspirent tous à l'unification des rangs, mais leur objectif tarde à se réaliser, héritant d'une situation qui ressemble à un otage qui peine à se libérer. L'idée et le projet viennent d'être relancés par le nouveau président du mouvement El Binai, Abdelkader Bengrina, qui a renouvelé le souhait de sa formation de fusionner avec le MSP, exprimant la volonté d'unir les rangs de tous les islamistes. Le MSP qui a déjà réussi l'union avec le Front du changement (FC) de Abdelmadjid Menasra n'est pas contre une telle idée, lui dont le président Abderrazak Makri ne s'est jamais départi du rêve islamiste. «Au sein du Mouvement El Binai, nous sommes prêts à toute fusion avec les frères d'Ennahda et El Adala ainsi qu'avec le MSP dès demain, et nous sommes prêts à faire des concessions pour cela», a lancé Abdelkader Bengrina dans des déclarations reprises par la presse. Mais le rêve des islamistes risque de ne pas être atteint de sitôt en raison notamment des ego qui coulent dans les sillons des leaders de ce courant politique. L'expérience de 2012, où les trois principaux partis de l'époque (MSP-Islah-Nahda) se sont alliés, a non seulement échoué à réaliser des résultats électoraux probants mais aussi à résister aux aléas du temps. En 2017, cette alliance a complètement éclaté : le MSP a présenté des listes aux élections avec le FC, El Islah s'est détaché et Ennahda a opté pour une autre coalition avec El Adala de Djaballah et El Binai. Cette dernière alliance traverse des zones de turbulences actuellement, comme l'a reconnu le nouveau chef d'El Binai. Ainsi, bien que ces partis islamistes arrivent à accorder leur violon de temps en temps, comme la dernière fois où ils ont dénoncé les propos du prédicateur salafiste Mohamed Ali Ferkous à propos des groupes appartenant à la sunna, l'accusant de vouloir diviser le pays, ils peinent à concrétiser une union entre eux. Les propos de Ferkous étaient également dénoncés par le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, qui avaient annoncé l'application de la loi contre les auteurs de ces déclarations extrémistes. Le ministre n'est jamais revenu sur ses déclarations comme le laissent croire certains milieux salafistes. C'est aussi à un autre problème des partis islamistes qui pensent qu'il suffit de se revendiquer de l'Islam pour gagner les populations, oubliant que la société est traversée par plusieurs courants religieux et que chaque courant estime que c'est lui qui est sur la bonne voie. A souligner que cet ultime appel à l'union des islamistes intervient au moment où le MSP poursuit la préparation de son congrès extraordinaire prévu entre le 10 et le 12 mai prochain, le dernier acte scellant la fusion entre le MSP et le FC. Ce rendez-vous s'annonce houleux puisque les positions politiques de plusieurs cadres du parti sont opposées à l'instar de celle du président actuel du MSP, Abderrazak Makri, qui a placé le parti dans le chemin de l'opposition et son prédécesseur, Bouguerra Soltani, qui souhaite un retour au giron du pouvoir. Nostalgique des années de participation au gouvernement, dans le cadre de l'alliance présidentielle, M. Soltani ne cache ses ambitions et avance à visage découvert. «Depuis notre sortie administrative du club des grands en 2011, on a été déclassé à l'échelle politique, en passant de la division supérieure des professionnels au bas du classement, ce qui nous a obligés de jouer avec de petits amateurs qui portent leurs partis dans des sacs à main», avait écrit récemment l'ancien patron du MSP. «Je sais que beaucoup de fils du mouvement ne sont pas satisfaits du bilan du présent et ont peur de l'avenir à cause de l'écart creusé entre ce qu'ils espèrent et ce qu'ils font. Cela leur a fait perdre leur habituelle volonté et a tué en eux l'esprit militant. Ils ont beaucoup hésité devant le discours au niveau élevé et les résultats maigres obtenus à chaque consultation», avait-il souligné dans une sorte de déclaration de sa candidature pour présider le nouveau le parti.