La scène se déroule dans les couloirs de la Kazan Arena, samedi soir. Alors que des Bleus radieux partagent leur bonheur avec la presse après leur qualification contre l'Argentine (4-3), une drôle de procession s'enclenche. Tels des zombies errant dans un cimetière, une dizaine de joueurs argentins serpentent la zone mixte dans un silence de mort. Le regard vide, Lionel Messi ferme le cortège. Quelques minutes plus tôt sont probablement mortes ses dernières illusions de remporter la Coupe du monde. Dans quatre ans au Qatar, la star aura 35 ans. Trop vieux, trop tard. Maradona peut roupiller tranquille, en tribune ou ailleurs. Gargantua du football de club avec Barcelone (4 Ligue des champions, 9 titres de champion d'Espagne), Messi, qui repart de Russie avec un seul but dans sa besace, semble définitivement condamné au pain sec en sélection. Finaliste de la Coupe du monde en 2014, «La Pulga» n'a rien pu faire pour sauver du naufrage une équipe nationale parmi les plus faibles de l'histoire du football argentin. «La réalité de l'équipe argentine assombrit l'éclat de Messi», avait dit Jorge Sampaoli, après la déroute contre la Croatie (0-3), prélude au fiasco vécu samedi au Tatarstan. Le sélectionneur au physique de videur de boîte de nuit y a également mis du sien en sous-employant de manière déroutante, notamment contre la France, une armada offensive pourtant aussi impressionnante que celle des Bleus sur le papier (Agüero, Higuain, Dybala). Dimanche, Messi a quitté seul le camp de base de Bronnitsy près de Moscou pour retrouver femme et enfants à Barcelone. Et réfléchir à son avenir avec l'Albiceleste ? En 2016, il avait mis brièvement sa carrière internationale entre parenthèses après un 3e échec en finale de la Copa America. Cristiano Ronaldo, lui, a pris l'avion avec ses coéquipiers pour regagner Lisbonne, dimanche après-midi. Solidaire dans l'échec comme dans la victoire. Eliminé par l'Uruguay (1-2) avec le Portugal, «CR7» n'a pas fait mieux que son rival du Barça sur le plan collectif. En termes de prestations individuelles en revanche, le quintuple vainqueur de la Ligue des champions avait démarré le Mondial en trombe avec un triplé fantastique contre l'Espagne (3-3) suivi d'un but décisif face au Maroc (1-0). Mais le joueur de 33 ans n'a pas trouvé la clé du verrou uruguayen et repart bredouille de Russie. Le voir sur les pelouses des stades climatisés du Qatar en 2022 parait peu probable même s'il ne faut jamais jurer de rien avec ce compétiteur hors-normes. A la différence de l'Argentin, Ronaldo a déjà fait gagner le Portugal (Euro 2016). Mais sa trace dans l'histoire du Mondial ne sera pas plus belle (5 buts en 4 participations, aucun en match éliminatoire comme Messi). L'un et l'autre peuvent encore faire les beaux jours de leurs clubs respectifs et empiler les trophées. En Coupe du monde, les quintuples Ballons d'Or resteront pour l'éternité de simples soldats de plomb.