Il y a une cinquantaine d'années, des artistes tels que Mahboub Bati ayant constaté qu'il fallait donner un nouveau souffle au Chaâbi, ont décidé d'écrire et composer des chansons plus rythmées pour les jeunes qui ne pouvaient plus suivre les Qaçaid. Au lendemain de l'indépendance, l'idée de moderniser le Chaâbi a nettement évolué et grâce aux paroliers et compositeurs de l'époque, on a vu la montée de grands chanteurs tels que Boudjemaâ El Ankis qui avait fait fureur avec des chansonnettes telles que «Oh ya ntya» et «Rah El Ghali», Hsene Saïd avec «Ya echemaâ» et Hachemi Guerouabi avec ses deux grands succès «Megouani sahrane» et «El Barah». Cette dernière chanson écrite et composé par le grand Mahboub Bati allait être le vrai lancement des chansonnettes. Si auparavant, le Chaâbi était écouté par une certaine catégorie de gens notamment les hommes qui devaient comprendre les textes écrits par les grands poètes tels que Sidi Lakhdar Benkhlouf, Kaddour El Alami ou Ben Msaib, la chansonnette a ouvert ce style à tous les jeunes et même les filles qui apprenaient par cœur ces tubes. Modernisation Il faut rappeler toutefois que la voie vers la modernisation du Chaâbi avait été ouverte depuis longtemps avec des chansons plus attirantes comme Leshar de Mohamed El Marokene et d'autres, mais ce n'est qu'au milieu des années 1960 qu'on verra ce style dominer. Des chanteurs tels que Mohamed Zerbout qui avait enregistré «Ch'hilet leêyani» de Garami, Rachid Souki, Said El Ghobrini, Boudjemâa El Ankis, Hsene Said et Dahmane El Harrachi qui animaient les fêtes familiales en interprétant les Qaçaid n'avaient pas hésité de continuer leur parcours tout en s'essayant aux nouvelles chansons rythmées par lesquelles ils se sont fait connaître par un nouveau public plus jeune et composé aussi de femmes. A la fin des années 1960, les jeunes chanteurs ont compris que pour se faire un nom et trouver une place parmi les grands, il fallait passer par la chansonnette. D'ailleurs, c'était le conseil qu'ils trouvaient auprès des encadreurs, notamment les deux Mahboub (Bati et Stambouli). C'est ainsi que Amar Ezzahi qui est passé pour la première fois en direct à la télévision en 1967 évoluera par des chansonnettes tout comme Chaou Abdelkader qui se fera connaître d'abord avec «Djah Rebbi» puis «Ya Lâadra Ouine Moualik». El Harrachi Il faut noter que Dahmane El Harrachi est aussi parmi les précurseurs de la chansonnette puisqu'il n'a pratiquement enregistré que des chansonnettes si ce n'est «Ya Nekkaret El Melh» ou «Zoudj Ehmamet» qui ont été enregistrées sur deux faces de disque 45 tours chacune mais qui sont tout de même assez rythmées. A la fin des années 1970 et dans les années 1980, d'autres chanteurs formés pour chanter les Qaçaid ont percé grâce à la chansonnette. C'est le cas notamment de Hsicene Saâdi qui était parmi les meilleurs élèves de Hadj M'hamed El Anka. On a vu également la montée de Aziouz Rais et Reda Doumaz qui peuvent chanter aussi bien les Qaçaid que la chansonnette. Mehdi Tamache, l'autre brillant élève d'El Anka a également fait une tentative dans la chansonnette pas n'a pas continué. C'est aussi le cas de Abderrahmane Koubi qui a préféré se faire en tant que maître du Chaâbi à l'ancienne même s'il a fait quelques tentatives. L'autre ancien chanteur qui a bien vendu ses disques rythmés dans les années 1960 est Rahma Boualem qui avait fait un grand succès avec «Edîili Belkhir ya Mma». Il avait également enregistré quelques 45 tours d'animation dont Baloune Balounna. Rachid Zouba a aussi enregistré des chansons rythmées bien qu'il est toujours considéré comme un conservateur. Les années 1980 avaient vu l'émergence de Youcef Toutah qui garde toujours sa belle voix avec des chansons écrites et composées par Badreddine Bouroubi. La surprise de Meskoud Par la suite, au moment où on croyait le Chaâbi en déclin, Abdelmadjid Meskoud a surpris tout le monde en mettant sur le marché son grand tube El Assima. Meskoud qui a profité des conseils de Mohamed Rachid reste parmi les chanteurs qui nous offrent des chansonnettes tout en acceptant d'offrir les meilleurs moments à ceux qui apprécient les Qaçaid lors des fêtes familiales. Meskoud dont la santé s'est nettement amélioré ces derniers temps va encore surprendre les amateurs de belle musique dés qu'il reprendra. Une reprise que tout le monde attend. On se souvient également de plusieurs jeunes, notamment le défunt Kamel Messaoudi qui avait fait un tabac avec son style à la fois social et romantique. Beaucoup se demandent pourquoi la chansonnette et le Chaâbi ont régressé ces dernières décennies. Cette régression est d'un côté motivée par le décès de certains paroliers et compositeurs mais surtout à cause de la facilité dans laquelle sont tombé la plupart des chanteurs. On a des compositeurs qui peuvent nous offrir de belles musiques et on a aussi des paroliers comme Yacine Ouabed qui écrit de beaux textes. Le problème se trouve surtout au niveau des chanteurs qui ne se fatiguent plus. La preuve, rares sont ceux qui apprennent leurs chansons. Pour passer sur scène ou à la télévision, ces chanteurs exigent un pupitre pour lire leurs textes. Ce qui veut dire que les chanteurs de Chaâbi ne chantent plus. Ils lisent.