Les Algériens ont trouvé ces dernières années un nouvel échappatoire pour se divertir durant les chaudes soirées d'été au cœur-même de la capitale: il s'agit bel et bien des cafétérias sises dans les grands boulevards, qui offrent un espace ouvert jusqu'à une heure tardive pour permettre aux clients, tous âges confondus, de se détendre après une longue journée de travail. Hommes et femmes, vieux, jeunes et enfants, se côtoient dans ces espaces où règnent convivialité et ambiance bon enfant, à l'instar de la très connue cafétéria «Milk bar» d'Alger-centre, très fréquentée par les Algérois mais aussi par les étrangers, tout au long de l'année et plus particulièrement en été, pour son espace ouvert sur le boulevard Larbi Ben M'hidi où s'érige la célèbre statue de l'Emir Abdelkader. Pour Fatiha, militante dans une association, prendre un thé ou un café dans cette cafétéria, en compagnie de ses hôtes venus d'autres wilayas ou de l'étranger, est synonyme de moment hautement symbolique, puisque forcément suivi d'une séance photo sous l'enseigne de ce Café «historique». Approché par l'APS, un serveur au «Milk Bar» avoue trouver des difficultés à satisfaire les clients qui «préfèrent, dans leur majorité, s'attabler à l'extérieur pour profiter, un tant soit peu, de la vue qu'offre ce lieux, même si l'intérieur est doté de baies vitrées offrant la même vue, mais pas la même brise fraiche», reconnaît-il toutefois. Pas loin de ce café, en face de la Grande-Poste, un autre espace constitue un lieu de rencontre pour une grande majorité de fonctionnaires, journalistes et intellectuels, à l'image de Mahmoud et Sofiane qui travaillent dans le domaine de la communication et qui racontent que cet endroit leur permet de «rencontrer plusieurs amis en même temps». Leur collègue, Sara A., reconnait qu'au début elle n'osait pas s'attabler à l'extérieur, mais qu'avec le temps et en voyant des clients, hommes et femmes de tout âge s'y attabler, elle a fini par partager cet espace avec eux. Les cafétérias offrent, désormais, «de beaux espaces bien équipés, embellissant la voie publique et offrant davantage de confort et de convivialité aux clients, femmes et hommes», estime pour sa part Zahia, qui «recommande de revoir le nombre de ces espaces à la hausse à la vue vu de la grande affluence qu'ils connaissent». Gestion catastrophique Une virée du côté des boulevards Larbi Ben M'hidi et Didouche Mourad offre aux passants une panoplie de cafétérias et de salons de thé munis de terrasses, lieux de rencontre prisés par les femmes, les hommes et les jeunes souvent engagés dans d`interminables discussions ou surfant sur la toile. Approché par l'APS, l'artiste Sid Ali Bensalem a affirmé que le pullulement des cafés dans les rues d'Alger constitue «un luxe pour les citoyens et les visiteurs», mais la gestion de ces espaces «laisse à désirer, tant le droit du client à un menu varié demeure non respecté», déplore-t-il. Au Square Port-Saïd, dans le café «Tantonville» jouxtant le Théâtre national algérien (TNA), Mahieddine Bachtarzi, Bella Boumediene, comédien de Tindouf, a révélé qu'il se faisait «un devoir» de passer par ce café à chaque fois qu'il se trouvait à Alger, pour y rencontrer des amis ou des confrères. En quête de modernité, de nouveaux cafés situés dans les quartiers huppés à l'instar de Dély Brahim, Hydra et El Achour, envahissent les réseaux sociaux pour faire leur promotion et y diffuser des images de leurs façades et terrasses dans une tentative de drainer davantage de clients au moment où d'autres plus anciens, dont le symbolique «Malakoff» ferment leurs portes en silence. «La relation de l'Algérois avec les cafés est séculaire. La Casbah d'Alger était une ville vivante qui respirait par des espaces à caractère social, notamment à travers deux édifices: la mosquée et le café», a souligné le chercheur en patrimoine algérois, Mehdi Berrached, qui estime que le concept de café a changé avec le temps, surtout durant les années 70 avec l'apparition des salons de thé. Il a ajouté que les cafés, jadis lieux de rencontres, abritaient également des fêtes à l'image des cafés «Bouchachoua», «Jijelien», «café sportif» et «Malkoff» où Hadj Nadhour et Hadj M'hamed el Anka avaient animé une «qaâda» en 1923. De son côté, Façal Cherif, chercheur en histoire de l'art algérois, a qualifié ces cafétérias d'«espaces sociaux de rencontres et d'échanges qui étaient masculins par excellence, et qui s'étaient associés à une personnalité hors pair, une famille ou un récit historique». Exprimant son regret quant aux changements opérés sur cette «notion» de cafés qui contribuaient jadis à la vie artistique, culturelle et sociale des Algériens, il a estimé que les cafétérias de nos jours ne sont rien d'autre que «des abris» auxquels les gens recourent pour prendre à la hâte une tasse de café.