Ils n'ont aucun lien organique avec le parti, n'ont jamais participé à ses activités et ne jouissent d'aucun statut, à part le fait d'être les fils de feu Hocine Aït Ahmed, fondateur et président du Front des forces socialistes. Salah et Jugurtha Aït Ahmed, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, s'ingèrent publiquement dans les affaires internes du plus vieux parti de l'opposition, non pas pour rendre hommage à leur père ou encourager l'union des enfants du FFS, mais pour prendre position en faveur de certains cadres qui, semble-t-il, ne font plus le poids. Pour la première fois, Salah Ait Ahmed intervient pour s'attaquer vertement à la direction nationale du parti. Dans une publication sur sa page facebook, il cite nommément Ali Laskri et Mohand Amokrane Chérifi, deux membres de l'Instance présidentielle, ainsi que Mohamed Hadj Djilani, Premier secrétaire national, qui selon lui, veulent enterrer la collégialité. «Pervertir pour enterrer la collégialité : objectif stratégique du triumvirat (Laskri-Cherifi- Hadj Djilani)», écrit-t-il, allant jusqu'à s'interroger «comment ne pas faire le parallèle avec le trio (Ben Bella-Bouteflika-Boumediene), de sinistre mémoire?». Cette sortie des plus surprenantes intervient au moment où le FFS traverse une zone de turbulence. La feuille de route que mène l'actuelle direction nationale fait tomber des têtes. Ce qui n'est pas du goût, paraît-il, des «héritiers» d'Ait Ahmed, pourtant sans aucun lien avec le parti. Un ancien cadre du FFS affirme que «les fils de Si L'Hocine n'ont jamais de leur vie, eu un quelconque lien avec le parti», s'interrogeant sur cette subite ingérence, et qu'elles seraient les raisons qui les ont poussé à s'immiscer dans les affaires internes du FFS. En effet, notre interlocuteur fait le lien avec les récents changements apportés au niveau des postes de responsabilité, particulièrement la mise à l'écart de Chafaa Bouaiche, ex-chef du groupe parlementaire, «suspendu jusqu'à sa comparution devant la commission de discipline», et de trois autres puissants cadres et députés, en l'occurrence Salima Ghezali, Aziz et Karim Baloul, lesquels ont été par ailleurs mis en demeure pour n'avoir pas versé leurs cotisations au parti depuis mai 2017. «Y a-t-il un quelconque intérêt dans ce soutien ?», se demande la même source. Avant Salah, Jugurtha Aït Ahmed a lui aussi, publiquement pris partie en faveur du même clan, s'attaquant à la nouvelle direction, pourtant élue démocratiquement par la base militante, lors du congrès extraordinaire du 20 avril. Dans un message adressé à Chafaa Bouaiche, suite à sa suspension, Jugurtha écrit : «Sisyphe n'est pas un mythe. C'est une réalité souvent brutale qu'il faut appréhender avec abnégation et philosophie comme tu le fais. Merci pour ton engagement exemplaire. Ton courage. Tu n'as rien à te reprocher, bien au contraire. Ta parole responsable et libre est incompatible avec la culture du caporalisme et du ‘centralisme démocratique' en marche sous nos yeux ébahis». Un soutien et des interrogations Un soutien différemment interprété au sein du FFS. Mais tout le monde est d'avis que, «ni Jugurtha, ni Salah n'ont le droit de s'ingérer dans les affaires internes, eux qui n'ont jamais été militants». En effet, porter le nom d'Aït Ahmed ne leur donne aucune légitimité à imposer une quelconque orientation. Le premier secrétaire national, Mohamed Hadj Djilani, l'a affirmé lors du meeting qu'il a animé dernièrement à Draa El Mizan, au sud de la wilaya de Tizi-Ouzou. «La filiation ou la proximité ne confère aucune légitimité sur le parti, ni ne permet d'influencer, voire de retarder la dynamique de changement engagée à tous les niveaux, pour renouveler les structures et élargir la base du parti dans les 48 wilayas du pays », avait déclaré Hadj Djilani. Officiellement, l'actuelle direction ne veut pas entrer dans une polémique avec les fils de leur chef charismatique. «Le respect qu'on doit à Si L'Hocine et à sa mémoire font que pour l'instant, on évite la confrontation», nous dira un cadre du parti, s'exprimant sous couvert d'anonymat. Très affaiblis depuis la prise des rênes du parti par Laskri et son équipe, les Baloul et leurs soutiens dont Ghezali et Bouaiche, sont pris de panique. D'où le recours à la famille d'Aït Ahmed pour tenter de se refaire une place, sachant qu'au sein de la base, ils ne font plus le poids comme avant. Mais, en mêlant la famille aux luttes internes, les choses risquent de dégénérer au FFS, qui vient à peine de sortir d'une crise sans précédent. Pour leur part, les fils d'Aït Ahmed savent-ils qu'en intervenant, ils s'adonnent à une sorte de jeu trouble ?