L'Arabie saoudite fait face à une vague de scepticisme international sur sa version de la mort du journaliste, Jamal Khashoggi, dans son consulat à Istanbul, une affaire qui reste marquée par de nombreuses zones d'ombre. La dernière réaction en date est venue de la Grande-Bretagne, dont le ministre chargé du Brexit, Dominic Raab, a estimé que les explications fournies par Ryad n'étaient «pas crédibles» et qu'il «existe un sérieux doute sur l'explication qui a été donnée». Après la disparition, le 2 octobre, de Jamal Khashoggi, les autorités saoudiennes ont finalement admis, samedi, ce que tout le monde redoutait: ce journaliste saoudien, critique du prince héritier, Mohammed ben Salmane, et exilé aux Etats-Unis, a bien été tué dans le consulat. C'est le procureur général, Saoud al-Mojeb, qui a confirmé sa mort. «Les discussions entre lui et les personnes qui l'ont reçu au consulat ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing, ce qui a conduit à sa mort», a-t-il dit, cité par l'agence Spa, sans préciser où se trouvait son corps. Contradictions persistantes, le directeur d'un centre de réflexion proche du pouvoir saoudien, Ali Shihabi, a affirmé que Jamal Khashoggi était mort, étouffé des suites d'un «étranglement». Selon le ministère saoudien de l'Information, les personnes qui ont interrogé Jamal Khashoggi, 59 ans au moment des faits, ont cherché à «dissimuler ce qui est arrivé». Mais ces explications n'ont pas convaincu de nombreux pays, principalement les Occidentaux, d'autant que les autorités saoudiennes avaient, auparavant, affirmé que le journaliste, qui collaborait avec le Washington Post, était ressorti du consulat. Des responsables turcs ont, eux, donné encore une autre version, affirmant que Jamal Khashoggi avait été torturé et assassiné par une équipe de 15 agents saoudiens, venus spécialement de Ryad. Selon des journaux turcs, son corps aurait ensuite été démembré. Dans le contexte de cette affaire, Ryad a annoncé le limogeage du numéro deux du Renseignement saoudien, le général Ahmed al-Assiri, et de trois autres hauts responsables de ces services, ainsi que d'un conseiller «médias» à la cour royale, Saoud al-Qahtani. Dix-huit suspects saoudiens ont été interpellés. Le Canada a qualifié «d'incohérentes» les explications de Ryad sur cette affaire, qui a provoqué une onde de choc mondiale, et considérablement ternit l'image de Ryad. L'Allemagne les a trouvées «insuffisantes», la France a déclaré que «de nombreuses questions restent sans réponses», et l'Union européenne a demandé une enquête «approfondie» et «transparente». Le président américain, Donald Trump, avait, dans un premier temps, jugé crédibles les explications saoudiennes, avant d'estimer qu'elles étaient trop courtes. «C'était un gros premier pas», mais «je veux obtenir la réponse», a-t-il affirmé, sans préciser la nature de la «réponse» attendue. Il a, néanmoins, de nouveau refusé de remettre en cause des méga-contrats, notamment militaires, avec Ryad. Les principaux alliés du royaume saoudien dans la région -Emirats arabes unis, Bahreïn, Egypte, Jordanie, Oman, Koweït et Autorité palestinienne- ont salué les annonces du royaume. Entretemps, les enquêteurs turcs ont poursuivi leurs investigations, fouillant une vaste forêt proche d'Istanbul, et Ankara a dit s'apprêter à «tout» révéler sur le sort du journaliste. Disant s'appuyer sur des enregistrements sonores, la presse turque a même évoqué une décapitation de Khashoggi.