La visite à Hanoï du président George W. Bush, à un moment où l'armée américaine semble empêtrée dans le bourbier irakien, suscite des comparaisons inévitables avec la guerre du Vietnam, symbole, il y a plus de 30 ans, d'une débâcle historique pour les Etats-Unis. Au Vietnam, où les deux tiers des 84 millions d'habitants ont moins de 30 ans et n'ont donc pas connu les combats, la “guerre américaine” n'est plus un sujet à l'heure où le Vietnam intègre l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et embrasse avec enthousiasme les préceptes du libre échange. Mais les pertes essuyées chaque jour par les troupes américaines en Irak ont coûté à l'Administration Bush sa défaite électorale du 7 novembre pour le renouvellement du Congrès et résonnent comme un écho au moment où il entame son premier voyage dans le pays de Ho Chi Minh. Interrogé à Hanoï à la veille du sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique sur les leçons éventuelles à retenir de la guerre du Vietnam, le président américain a répondu : “Une leçon est que nous avons tendance à vouloir un succès immédiat dans le monde et la tâche en Irak prendra du temps.” “Nous réussirons sauf si nous partons”, a-t-il indiqué après un déjeuner avec le Premier ministre australien, John Howard, dont le pays a également engagé des troupes en Irak. “Cela prendra du temps pour que l'idéologie de l'espoir, qui est l'idéologie de la liberté, prenne le dessus sur l'idéologie de la haine”, a-t-il insisté. Les démocrates, vainqueurs des élections aux Etats-Unis, se sont joints aux appels pour un changement de stratégie vis-à-vis de l'Irak. La Maison-Blanche a rejeté, de son côté, tout calendrier pour le début du rappel des 150 000 soldats. Trois semaines avant les élections parlementaires du 7 novembre, le président Bush avait fait une analogie entre les attaques actuelles en Irak et l'offensive du Têt, lancée en 1968 par les forces nord-vietnamiennes. Depuis, la Maison-Blanche est sur la défensive sur le sujet. “Les parallèles historiques de ce genre ne sont pas très utiles et je ne trouve pas qu'ils soient pertinents”, avait estimé, jeudi, la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice. L'entourage du président souligne que les dirigeants vietnamiens n'ont nullement l'intention d'évoquer la question. “Les Vietnamiens ne sont pas particulièrement intéressés par ça”, a estimé le porte-parole de la Maison- Blanche, Tony Snow. Côté vietnamien, c'est le silence radio. En 2003, Hanoï avait condamné l'offensive en Irak et les éditoriaux s'étaient déchaînés contre une Administration Bush accusée d'oublier “les leçons de la guerre du Vietnam”. “Les milieux politiques américains se souviennent-ils des champs de bataille vietnamiens dans les années 1960-1970, des "moulins à chair", des "poêles de feu" et des "rizières devenues des tombes pour les agresseurs ?"” se demandait le quotidien de la police, le Cong An Nhan Dan. Plusieurs anciens combattants vietnamiens avaient, dès cette époque, pronostiqué un conflit long, dominé par une interminable guérilla urbaine et marqué par de lourdes pertes. La guerre du Vietnam, l'une des plus sanglantes et meurtrières du siècle dernier, avait fait quelque 58 000 victimes côté américain et plus de 3 millions côté vietnamien, dont un tiers de soldats. R. I./Agences