Aziz Chelmouni est un jeune réalisateur qui s'est déjà démarqué avec son long métrage Thamacahut n Selyuna, qui a décroché la Mention spéciale, lors de la 17e édition du Festival culturel national du Film amazigh. Dans cet entretien qu'il a accordé au Temps d'Algérie, il nous parle du cinéma amazigh, et les difficultés qu'il rencontre pour s'investir dans le domaine. Interview réalisée par Arezki Ibersiene Le Temps d'Algérie : Quel est votre sentiment après avoir reçu ce prix? Aziz Chelmouni : Je suis très heureux et content d'avoir ce Prix de la mention spéciale du long métrage, lors de cette 17e édition du festival du film amazigh. Le mérite de cette distinction revient à toute l'équipe et les comédiens et comédiennes du film. J'aurais aimé voir les membres du jury nous décerner l'olivier d'or, mais malheureusement, on n'a eu que ça, car auparavant, on a vu des films de moindre qualité que le nôtre, mais qui ont quand même remporté le trophée. Cela nous aurait aidés et motivés plus pour nos prochains projets. Est-il facile de tourner un film en tamazight ? Aujourd'hui, sans l'aide et les financements de l'Etat, à travers le ministère de la Culture, Je peux vous dire que c'est presque impossible de tourner un film en Tamazight, de bonne qualité. Il est très rare de trouver des films de cinéma Amazigh financés par le ministère de la Culture. Cela contredit complètement les propos du ministre, qui dit que le cinéma amazigh est aidé par l'Etat. Les films qui se produisent actuellement sont un peu d'un niveau basique, loin d'être à la hauteur. Mais en ce qui concerne le court métrage et le documentaire, qui ne demandent pas beaucoup de moyens, il y a quand même des films qui sont d'un niveau appréciable. Beaucoup de monde pense que la production de films en Tamazight est très maigre. A votre avis, qu'est-ce qui bloque ? La première chose est, sans conteste, l'embargo presque total sur le film amazigh, notamment Kabyle, imposé par la télévision publique. Celle-ci n'achète plus les droits de diffusion, sauf par l'intermédiaire de sponsor. Concernant les chaînes privées, ils ne veulent même pas voir les films amazigh (Kabyle) passer dans leurs programmes. C'est une discrimination flagrante que pratiquent les chaînes privées pour le cinéma amazigh. Et pour la vente sur DVD, elle n'est plus rentable, à l'aire de Youtube et VOS sur internet. C'est devenu une jungle chez nous, le piratage fait ravage. Tout cela s'ajoute à l'absence totale de rendez-vous, tels ce festival. En plus de cela, ce seul et unique festival du film amazigh n'aide pas réellement les réalisateurs, dans la mesure où on n'attribue pas ce prix de l'olivier d'or, et cela durant plusieurs éditions. Le problème de la formation est soulevé par les cinéastes. Quelle est la meilleure manière d'y remédier ? La formation est un élément indispensable dans tous les domaines. C'est l'épine dorsale du métier. On ne peut pas être un architecte sans faire des études en architecture, ou bien dire que je suis médecin sans faire des études en médecine. Le cinéma est encore plus compliqué que ces deux métiers que je viens de citer. Car c'est un art qui converge vers beaucoup de métiers, passant par le scenario, la production, la réalisation, l'image, le son, la post-production et les comédiens. Donc, même si on est des réalisateurs de formation, ou des scénaristes de formation, si les autres éléments ne le sont pas, alors, on ne peut plus faire un travail professionnel, il faut que tout le monde fasse une formation. Malheureusement en Algérie, il y a peu d'écoles ou d'instituts étatiques ou privés dans le domaine cinématographique. Donc, la solution, c'est d'aller à l'étranger pour étudier, pour avoir une formation de qualité, ou bien nous amener des étrangers pour nous faire des formations. Quels sont vos projets ? Après le film «Tamacahut n Selyuna», j'ai réalisé un 2e long métrage intitulé «Agerruj Yettwafren», avec lequel on a participé au festival international «Isni n Ouregh» au Maroc, et qui est sélectionné au festival amazigh de Paris, organisé par l'ACB Fadhma n Soumer, qui se tiendra au mois de novembre 2019. J'ai aussi un projet de court métrage, avec lequel on vise une participation à des festivals mondialement reconnus.