Présenté à l'institut culturel français, le tout nouveau film de Nadine Labaki, «Capharnaüm», comme son nom l'indique, témoigne de diverses problématiques dont la paupérisation des migrants clandestins, de l'irresponsabilité des parents vis-à-vis de leur progéniture, des conditions précaires des syriens, le mariage des mineurs et de la maltraitance des enfants. Ecrit et réalisé par la libanaise Nadine Labaki, ce drame américano-franco-libanais retrace la vie des réfugiés syriens et autres qui vivent dans des conditions précaires. En outre, il décrit l'enfance aux rêves confisqués et aux espoirs déçus. Zain, campé magistralement bien par Zain Al Rafeea, et Sahar, interprétée merveilleusement par Cedra Izam, vivent un quotidien des plus sombres, en travaillant chez un épicier pour aider leur parents trop occupés à faire des mioches. Après moult péripéties, Zain se retrouve au tribunal, contraint de porter plainte contre ses parents. La raison ? L'avoir mis au monde. Ainsi, ce long-métrage met en évidence l'irresponsabilité des parents et le calvaire des migrants au Liban. En matière de casting, Nadine a pris des réfugiés, citoyens lambda témoins de leur propre vie comme acteurs, notamment Zain, jeune enfant syrien, ou le bébé de l'érythréenne Souad. Primé à Cannes Ce film d'une durée de deux heures, a été primé trois fois. Il a reçu le prix du jury du 71e festival de Cannes 2018, la Palme d'or du meilleur film en langue étrangère, le prix œcuménique et le prix de la citoyenneté. Ce long-métrage, «Capharnaüm», est sombre, dramatique et d'une grande intensité émotionnelle. Nadine Labaki n'a pas ménagé le spectateur avec la charge émotionnelle tout le long du film. Un beau film qui interpelle et remet les pendules à l'heure sur certaines absurdités (pas d'existence pour ces syriens, sans papiers). Le reproche que l'on pourrait faire à «Capharnaüm» serait le fait de traiter trop de problématiques en même temps, ce qui altère quelque peu la ligne directrice, ainsi que trop de longueurs. Labaki n'a pas émis une pointe d'humour propre à ses films, ni cette subtilité que l'on retrouve aussi bien dans la comédie «Caramel», ce pastiche miroir de la société libanaise, ni cette allégorie politique avec «Et maintenant, où on va ?». Dans son premier long-métrage, «Caramel», elle met en scène quatre femmes d'univers différents, représentant la société libanaise. Elle parodie ce monde aux confessions diverses, dont chacune a ses préoccupations qui sont celles de tous. Une belle caricature du Liban d'aujourd'hui ! Pour le second, c'est l'angle politique qui est abordé par la réalisatrice libanaise, qui se gausse de ces libanais qui s'entretuent pour rien. Grâce à la malice des femmes, il y a un compromis qui s'installe, et le quiproquo est dissipé (enterrer leurs morts du côté chrétien ou musulman ? telle est la question). Tolérance Ce film est une grande leçon de tolérance, dans un pays multiconfessionnel déchiré par les inimitiés. Ce troisième long-métrage de cette cinéaste a-t-il rempli le contrat d'unanimité comme les deux autres ? Il faut souligner qu'on ne peut pas oublier les tristes yeux de Zain, dépourvus de lueur d'espoir. Pour la dernière scène, il y a une image touchante et pathétique, où ce gamin de 13 ans flétri sourit pour la photo de son futur passeport. D'ailleurs, Il y a lieu de signaler que Zain a eu l'asile politique en Norvège, pour lui et sa famille. Dommage que la jeune Cedra Izem n'ait pas bénéficié de la même faveur. Elle est toujours dans les camps au Liban. Un long- métrage à voir et à revoir pour éveiller les consciences.