La mobilisation est restée intacte après un mois et demi depuis le début du mouvement populaire. C'est du moins ce qui a été constaté, hier vendredi à Béjaïa, où des dizaines de citoyens, comme tous les vendredis, ont battu le pavé pour exiger la fin du système. Ni la démission de Bouteflika, ni les mesures préventives prises par l'ANP contre certains investisseurs, encore moins les gages du chef d'état-major, l'homme fort du moment, concernant le respect de la volonté populaire, n'ont atténué le désir des citoyens dans leur quête de changement. Dès midi, les rues étaient déjà prises d'assaut par des milliers de manifestants, tous âges et sexes confondus. Les slogans n'ont, dans le fond, pas changé : le fameux «Système dégage» ainsi que «Yetnehaw gaâ» sont toujours aussi en vogue. Mais avec la démission de Bouteflika, ils sonnent comme un avertissement à ceux-là mêmes qui ont déposé Bouteflika : les militaires, plus précisément le chef d'état-major, Ahmed Gaid Salah. «Le peuple ne voit pas de solution avec les mêmes têtes qui, jusqu'à un passé récent, ont applaudi et soutenu le 5e mandat. Tous doivent partir, sans exception aucune», affirme un jeune manifestant, à peine sorti de l'adolescence. C'est dire que la solution préconisée par l'article 102 si cher à l'armée n'est pas à l'ordre du jour pour le peuple. Cette remarque vaut aussi pour le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, et le président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaiz, considérés comme les inamovibles soutiens du «clan» du 5e mandat. D'où ce nouveau slogan qui a fait son apparition : «Non aux trois B», allusion à Bensalah, Belaiz et Bedoui. Par ailleurs, l'ancien président du RCD, Said Sadi, qui a fait son apparition du côté du carrefour du 19 Mai 1981, a été pris à partie par des manifestants qui criaient «Sadi dégage». C'est la première fois depuis le début du mouvement, que la présence du fondateur du Rassemblement pour la culture et la démocratie a été jugée inopportune par des manifestants. Il avait manifesté notamment librement à Alger et Tizi, sans s'attirer la moindre inimitié.