Certains juristes et militants des droits de l'homme ont critiqué ce qu'ils ont qualifié de «poursuites sélectives», et de «chasse aux sorcières», estimant que la justice doit être transparente, et qu'elle ne devrait pas céder aux pressions. La Justice accélère les procédures en vue de l'ouverture des dossiers relatifs à la dilapidation de deniers publics, accaparement d'avantages de manière illégale et transferts illicites de devises. L'opération de lutte contre la corruption, initiée par le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, et enclenchée par la justice, a permis l'arrestation de plusieurs hommes d'affaires, ainsi que la convocation et la transmission de dossiers de hauts responsables de l'Etat à la Cour Suprême. Les hommes d'affaires, Issad Rabrab, PDG de Cévital, ainsi que les frères Kouninef, ont été incarcérés à la prison d'el Harrach, à Alger, après avoir été entendus par le juge d'instruction du tribunal. Certains juristes et militants des droits de l'homme ont critiqué ce qu'ils ont qualifié de «poursuites sélectives», et de «chasse aux sorcières», estimant que la justice doit être transparente, et qu'elle ne devrait pas céder aux pressions. C'est le cas notamment, de Me Mustapha Bouchachi, qui a estimé hier, depuis Tizi-Ouzou, qu'«il y a bien des arrière-pensées politiques derrière les poursuites judiciaires lancées contre des hommes d'affaires». Nourredine Benissad a, de sa part, estimé que la justice ne doit pas être instrumentalisée et utilisée à des fins politiques. Contacté, Allaoua El Ayeb, professeur de droit international à l'université d'Alger 1 et militant des droits de l'homme, a d'abord mis en garde contre une «justice-vengeance et sélective», ou soumise «aux pressions extérieures». Elle doit être «juste et impartiale», a-t-il fait remarquer. Il s'est ensuite interrogé «si c'est le moment était opportun pour lancer de telles procédures, et si la justice garantira des procès équitables, dans le contexte actuel». «Le juge ne doit en en cas céder aux pressions extérieures, qu'elles viennent des revendications du peuple, des politiques ou encore de l'institution militaire», a-t-il prévenu. Commentant la procédure de détention de ces hommes d'affaires en prison, le militant des droits de l'homme a estimé qu'il était préférable de passer part d'autres mécanismes. «Je n'ai pas le droit de m'immiscer dans le jugement des juges. Mais en tant que militant des droits de l'homme, j'estime que les conditions d'une détention provisoire ne sont pas réunies, il aurait était préférable de recourir à d'autres mécanismes, comme la liberté provisoire», a-t-il expliqué. «Le présumé est innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité», a-t-il mentionné. Affirmant avoir entièrement confiance dans le travail que font les magistrats, «eux-même libérés des chaînes depuis la révolte populaire», il a souligné que «le juge d'instruction devait avoir des preuves irrévocables sur leurs inculpations dans ces affaires, pour les incarcérer à el Harrach». Partant du principe que la machine juridique s'est mise en branle, suite au mouvement populaire du 22 février, où les Algériens ont réclamé de poursuivre en justice tous les corrompus, notre interlocuteur a mis en garde contre «son instrumentalisation à des fins populistes». «La justice doit faire son travail dans la transparence et la sérénité, et ne pas céder aux pressions. Elle ne doit pas être également une justice momentanée, liée à la révolte populaire». Allaoua El Ayeb a souligné que la construction d'un état de droit passe par une justice indépendante, garantissant les droits aux présumés et aux accusés, même après leur inculpation. A propos des personnalités politiques convoquées par la Cour Suprême, à savoir, l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, le ministre des Finances, Mohamed Loukal, et la transmission du dossier de Chakib Khelil, l'ex-ministre de l'Energie, notre interlocuteur a estimé que les auteurs et alliés politiques de la corruption «doivent être jugés et punis à la mesure de la gravité indicible de leurs crimes».