Pour la première dame du PT, aucune précision n'a été donnée par la justice militaire. Pour quel chef d'inculpation a-t-elle donc été incarcérée ? La question reste posée. Depuis jeudi après-midi, Louisa Hanoune, secrétaire général du Parti des travailleurs (PT), est incarcérée dans une prison civile. Après avoir été entendue par le juge d'instruction près le tribunal militaire de Blida, dans le cadre de l'enquête ouverte contre Saïd Bouteflika, frère cadet du Président déchu, Athmane Tartag, dit Bachir, ex-coordinateur de la DSS et Mohamed Mediène, alias Toufik, ancien patron du DRS, elle a été mise en détention provisoire. Déjà dans la matinée, les images diffusées par la télévision publique et montrant Louisa Hanoune arriver au tribunal militaire ont surpris plus d'un. Convoquée comme «témoin», selon le PT, elle a fini par être emprisonnée. Mme Hanoune ne s'y attendait sûrement pas. Au sein du PT aussi. Les trois prévenus Saïd Bouteflika, Toufik et Tartag sont poursuivis pour «atteinte à l'autorité de l'Armée et complot contre l'autorité de l'Etat». Mais, pour la première dame du PT, aucune précision n'a été donnée par la justice militaire. Pour quel chef d'inculpation a-t-elle donc été incarcérée ? La question reste posée. D'où l'effet de choc qu'a causé la nouvelle sur la scène politique nationale. Mme Hanoune, qui s'est opposée au cinquième mandat de Bouteflika, le qualifiant de «danger pour le pays», elle qui avait accusé en 2015 le cercle présidentiel, Saïd Bouteflika en l'occurrence, d'avoir confisqué la parole du président, et signé la ‘'Lettre des 19'' avec Lakhdar Bouregaa, Zohra Drif Bitat et Djilali Guerroudj entre autres, pour une demande d'audience à Bouteflika, se trouve mêlée à une affaire dans laquelle sont accusés ceux qu'elle dénonçait. Il y a une semaine, Hanoune a chargé le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Slah, l'accusant de «chercher à imposer un scénario à la Sissi en Algérie». Il est pour le moins paradoxal de croire qu'il n'y a pas anguille sous roche dans cette situation. Surtout que les récentes interpellations et procédures judiciaires lancées à l'encontre de plusieurs personnalités soulèvent depuis quelques jours des soupçons au sein de l'opinion publique. Du protocole pour certains, des camions de la gendarmerie pour d'autres, et des images en boucle à la télévision publique pour d'autres encore, cela ressemble bien à un plan minutieusement étudié, sinon à un règlement de compte. Raison pour laquelle tous les acteurs politiques s'accordent à dire que la priorité est le changement du système d'abord, puis laisser place à la justice faire son travail, loin de toute pression. Un tournant dangereux L'incarcération de Louisa Hanoune a, en tout cas, suscité un large élan de solidarité parmi la classe politique, les militants des droits de l'homme, des hommes de culture et des journalistes, tous d'accord à dénoncer «une grave dérive», «un saut vers l'inconnu», «une agression contre le politique». Pour Ramdane Tazibt, député PT démissionnaire du Parlement, Hanoune «est incarcérée pour ses positions politiques en faveur de la révolution du 22 février». Le parti de Djilali Soufiane, Jil Jadid, a déclaré que «la mise en détention provisoire de Mme Louisa Hanoune, première responsable d'un parti politique, pose clairement la question des libertés politiques, et interroge sur les véritables intensions du nouveau pouvoir». De son côté, le militant politique, Djamel Zenati, ancienne figure de prou du FFS, a estimé que «l'arrestation de Louisa Hanoune marque un tournant dangereux dans l'évolution de la crise dans notre pays». «C'est l'inquisition», a-t-il dénoncé. La LADDH (aile Hocine Zahouene), a parlé d'un «coup de force» qui s'installe. «Aujourd'hui encore, un autre pas est franchi», écrit la Ligue dans un communiqué. Une arrestation qui «ouvre la voie à tous les scénarios et toutes les dérives». «Une escalade qui nous inquiète à plus d'un titre, cette affaire ‘de conspiration contre l'armée' ne serait-elle pas un bon alibi pour faire taire toutes les voix discordantes, contre la feuille de route politique que le général Gaid veut imposer au peuple?», s'interroge encore la LADDH. En attendant ce que décidera la justice dans les prochaines heures, des appels sont d'ores et déjà lancés pour libérer Louisa Hanoune. «Sa place n'est pas dans la prison», ont clamé des centaines d'appels. A. M. Le PT dénonce «un acte anti-démocratique dirigé contre la révolution du 22 février» Le Parti des travailleurs (PT), n'a pas tardé à réagir à l'incarcération de sa secrétaire général, suite à son audition au tribunal militaire de Blida. Le PT a évoqué «une dérive gravissime», appelant les algériens à s'opposer à cet acte «anti-démocratique» et dirigé contre la révolution du 22 février. «Toutes les Algériennes et tous les Algériens savent que le Parti des travailleurs a combattu depuis sa fondation en 1990, pour l'Assemblée constituante souveraine pour l'avènement de la démocratie véritable et pour la souveraineté populaire. Il n'a jamais dévié de cette ligne directrice de sa politique», a écrit le Secrétariat permanent du Bureau politique (SPBP), dans un communiqué. Et de rappeler qu'il «s'était prononcé contre le cinquième mandat de A. Bouteflika, a décidé de faire démissionner son groupe parlementaire de l'Assemblée populaire nationale, et s'est exprimé contre toutes les manœuvres visant à contourner la révolution populaire exigeant le départ du système, dont la prétendue transition qu'ils veulent faire déboucher sur la présidentielle du 4 juillet 2019». Pour le PT, qui ironise sur cette arrestation, il semblerait que «c'est cela qui est reproché à Mme Louisa Hanoune». Dénonçant «une dérive gravissime», le PT évoque «un acte de criminalisation de l'action politique indépendante, et l'expression d'une volonté de mise au pas des militants et activistes par le pouvoir de fait». Plus que ça encore, le parti de Hanoune soutient qu'«il s'agit là d'une mesure contre le peuple algérien et sa mobilisation révolutionnaire entamée depuis le 22 février 2019». Tout en appelant «à l'abandon de toutes les charges retenues contre elle», le PT réclame «la libération inconditionnelle» de sa patronne. Enfin, le SPBP fait appel à toutes les Algériennes et à tous les Algériens, à ceux qui partagent ses positions, «pour s'opposer à cet acte anti-démocratique qui est dirigé contre la révolution du 22 février». Il n'y a pas de doute qu'«avec cette arrestation, c'est une nouvelle étape qui s'ouvre», avertit le PT.