Le Hirak a crié «makach intikhabat, bi el issabat», qui veut latéralement dire: «Il n'y aura pas d'élections, tant que les bandes sont là». Alors que l'option de l'élection présidentielle est, de fait, devenue caduque, le pouvoir semble chercher à entretenir un suspense inutile, le temps de trouver une autre parade pour sortir de la crise, selon sa propre feuille de route. Le Conseil constitutionnel a annoncé, hier, le dépôt de deux dossiers de candidature, en prévision de ce scrutin prévu pour le 4 juillet prochain. «Après l'expiration du délai légal de dépôt des candidatures, fixé au 25 mai 2019 à minuit, en prévision de la présidentielle du 4 juillet 2019, le Conseil constitutionnel a enregistré le dépôt de deux dossiers, le 25 mai 2019, auprès de son secrétariat général», a indiqué l'institution dans un communiqué, ajoutant qu'il «statuera sur la validité des deux dossiers de candidature, conformément aux dispositions de la Constitution et de la loi organique portant régime électoral, et du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel». Aux termes de l'article 141 de la Constitution. «Le Conseil constitutionnel statue sur la validité des candidatures à la présidence de la République par décision, dans un délai de 10 jours, à compter de la date de dépôt de la déclaration de candidature», faut-il le rappeler. Quant aux deux candidats concernés, il s'agit de Abdelhakim Hamadi et Hamid Touahri. Le premier avait déjà déposé sa candidature pour l'élection annulée du 18 avril dernier. Au-delà de ce détail, ce sont deux candidats inconnus de la scène politique, qui postulent pour un poste dont ils ignorent, peut-être, les charges et les responsabilités qu'il exige. La classe politique dans sa majorité a rejeté cette élection, déclarée nulle et inutile par le référendum populaire de chaque vendredi. Le Hirak a crié «makach intikhabat, bi el issabat», qui veut latéralement dire: «Il n'y aura pas d'élections, tant que les bandes sont là». C'est donc à se demander à quoi servirait l'entêtement du président de l'Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, et le chef de l'Etat-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, à maintenir ce scrutin contre tous ? Que faire ? A moins qu'ils ne cherchent à gagner plus de temps pour sortir de l'impasse, cette période consacrée à l'étude des deux dossiers de candidature par l'institution que préside Kamel Fenniche, n'est qu'une perte de temps à rajouter aux trois mois de lutte pacifique, qui n'ont pas poussé les tenants du pouvoir à se mettre à l'évidence pour aller vers une vraie solution politique, à travers une période de transition comme réclamé par tous les algériens. Encore que, dans tous les cas de figure, l'on se dirige droit vers le vide constitutionnel, une fois que les deux dossiers sont rejetés, ce qui est fort probable. Car, il est impossible que les deux concernés satisfassent aux conditions exigées, notamment les 60.000 signatures individuelles. Désormais, le débat tourne sur les perspectives. «Que faire ?» est la grande question. Certains évoquent déjà le report de la présidentielle de 60 jours, selon l'article 103 de la Constitution. Mais, la constitutionnaliste, Fatiha Benabou, estime «impossible» d'appliquer cet article qui, d'après elle «traite d'un autre cas», lorsqu'il y a décès ou empêchement légal de l'un des deux candidats au deuxième tour. Pour elle, «c'est l'urne qui tranchera», en respect de l'article 7 et 8 de la Loi fondamentale. «Abdelkader Bensalah pourrait, selon elle, convoquer encore le corps électoral avant la fin de ses 90 jours d'exercice». Ce que rejette en bloc Amer Rekhila, ancien membre du Conseil constitutionnel. «Ça nous conduit vers l'impasse», réplique-t-il, suggérant qu'«il n'y a que le Conseil constitutionnel qui peut se prononcer dans cette situation». «L'article 102 est clair et ne donne aucun droit au président de l'Etat de convoquer encore le corps électoral», tranche Rekhila. Et si la solution était de sortir complètement de cette voie constitutionnelle…