A travers «Alger, capitale de la révolution : de Fanon aux Blacks Panthers» paru chez La Fabrique Editions, la journaliste américaine Elaine Mokhtefi raconte, en tant qu'actrice, une des périodes fastes de l'Algérie post-indépendance. Publié par La Fabrique Editions, le nouvel ouvrage de Elaine Mokhtefi revient sur l'histoire récente de l'Algérie, qui suscite l'intérêt de beaucoup de chercheurs, historiens et militants des mouvements révolutionnaires. L'auteur y raconte d'abord l'itinéraire d'une jeune militante américaine qui découvre la cause algérienne, dans son processus de décolonisation et épouse un militant algérien avec lequel elle continuera sa vie pour participer à l'édification de l'Algérie indépendante. C'est à partir de Paris, «une ville du Nord arrosée par des pluies quotidiennes» que cette new-yorkaise découvre «une sous-classe et une sous-culture de travailleurs algériens immigrés (qui) engageaient la ville et le pays dans une bataille existentielle pour la reconnaissance et la liberté». Les manifestations des travailleurs du 1er mai 1952 lui ont fait «l'effet lumière» puisqu'elle a été «littéralement percutée par la réalité» des Algériens qui défilaient sans lancer de slogans, ni porter des drapeaux ou de banderoles parce que le syndicat CGT (Confédération générale du travail) avait «voulu empêcher toute réclamation d'indépendance d'Algérie». Militantisme Quatorze mois après, elle a été témoin des balles assassines contre les Algériens, lors de la manifestation du 14 juillet 1953 à Paris, qui revendiquaient l'indépendance de leur pays. La police française avait tué sept d'entre eux et blessés des centaines. Son militantisme pour les causes justes l'a plongé dans le contexte des turbulences vécues à l'époque par le continent africain, dont elle voyait que la décolonisation était une des questions primordiales de l'après-guerre (1939-1945). Mais le plus attrayant du récit de cette militante, issue d'une famille juive de la classe ouvrière américaine que le destin fait qu'elle se marie avec Omar Mokhtefi (décédé en 2015), un ancien moudjahid, reste la période 1962-1974 où elle a vécu en Algérie. Cette femme, qui s'était engagée pour l'indépendance de l'Algérie, a rejoint Alger en octobre 1962 au même moment que les représentants des mouvements révolutionnaires notamment africains. Après avoir travaillé quelques mois à l'Office national algérien du tourisme (ONAT), elle fut transférée à la présidence de la jeune République algérienne pour rejoindre le bureau de presse et d'information, sous la responsabilité de Cherif Guellal, qui deviendra six mois après ambassadeur à Washington. Elle témoigne de l'engouement des étrangers, qui ont soutenu la guerre de libération, pour venir aider cette Algérie indépendante. «Je n'étais pas seule, a-t-elle dit. Plusieurs milliers d'étrangers, des partisans de l'Algérie indépendante, étaient arrivés de France, de Tunisie, du Maroc au cours des premiers mois» de l'indépendance. Elle raconte également qu'elle a été encore transférée en 1964 au secrétariat d'Etat au niveau du palais du Gouvernement après la venue d'un nouveau directeur du cabinet présidentiel, mais elle a préféré rejoindre l'agence algérienne de presse Algérie Presse Service (APS) pour travailler au Desk anglais, puis en 1968 elle est entrée à la Radio-Télévision algérienne (RTA) où elle dirigeait trois émissions consacrées aux événements nationaux et internationaux. Une mine d'or Son récit est une mine d'or sur une période où il y avait en Algérie un bouillonnement dans tous les secteurs où les responsables algériens de l'époque, avec l'aide des compétences étrangères, constituaient les architectes de l'Etat moderne algérien. Ses rencontres avec les grandes figures de l'époque, comme Ahmed Ben Bella, Fidel Castro, Eldridge Cleaver des Black Panthers, Mohammed Sahnoun, Mohammed Bedjaoui, Mohamed Seddik Benyahia, Frantz Fanon et les mouvements révolutionnaires, allaient la projeter dans une intense activité où elle était prise dans le tourbillon des événements nationaux et internationaux. Son récit de ce vécu algérien, qui incite à une lecture d'un trait, témoigne de l'effervescence des luttes anticoloniales pour un nouvel ordre international plus juste offrant aux peuples les plus démunis une vie meilleure.