Ils sont là, assis à l'une ou l'autre des terrasses, des kiosques à glaces, si ce n'est sur les bancs de pierre qui bordent le Cours de la Révolution. D'autres arpentent les allées de l'immense espace. Ils hantent cette promenade du cœur de la ville dès les premières heures de la journée, n'ayant apparemment d'autre lieu de rencontre que celui-ci, et ne le quittent que sur les coups de midi. Ils, ce sont les retraités de différents âges. Parmi eux certains la cinquantaine entamée que la conjoncture a amené à se fondre à la foule des désœuvrés et des gens de passage, également fidèles «clients» du cour fédérateur. Les retraités, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, parlent de tout lorsqu'ils sont ensemble. Le journal du jour en main, ils décortiquent l'actualité, la commentent et parlent bien évidemment de la cherté de la vie, dont ils sont les premiers à subir les vicissitudes. Il faut dire que les plus âgés d'entre eux, érosion du pouvoir d'achat et maigres salaires aidant, n'arrivent même plus à faire face aux dépenses quotidiennes. L'angoisse qu'ils ressentent est exacerbée à l'approche de la date de versement de leur pension, comme c'est le cas aujourd'hui. Cette échéance est d'autant plus douloureusement appréhendée qu'elle les contraint à considérer leur budget. Pour la plupart d'entre ceux qui ont quitté le monde du travail au début des années 1990, on ne peut parler sérieusement de pension de retraite tant cette dernière est dérisoire. «J'étais cadre au niveau du district de Sonelgaz, où j'ai travaillé depuis 1960 et pour laquelle j'ai donné le meilleur de moi-même. En échange, je perçois 7000 malheureux dinars. C'est tout simplement indécent de dire que l'on a une pension», déclare ce septuagénaire à l'allure digne malgré tout. Bien plus jeune, mais tout aussi dépité, cet autre habitué du cour de la Révolution a déjà quelques années d'éloignement par rapport au monde du travail. Lui n'a fait valoir ses droits à une retraite anticipée que tout récemment, c'est-à-dire en 2005, suite à la fermeture de l'usine. Comme nombre de ses camarades qui avaient la cinquantaine révolue à l'époque, il s'est cru privilégié par cette «ouverture» au bénéfice d'une pension au prorata temporis.Il ne s'est rendu compte que tardivement qu'il avait fait une erreur en y prétendant, car il ne peut désormais travailler qu'au noir pour arrondir ses fins de mois. «Pour ce qui est d'améliorer le niveau de ma pension de retraite, il ne faut même pas y rêver, la pension que la CNR me verse ne peut être révisée autrement que par l'augmentation qui est accordée régulièrement et à hauteur d'un certain taux par l'Etat dans le cadre de la revalorisation des retraites. Tout autre appoint ne peut y être versé et cela me pousse au désespoir. Je suis par conséquent condamné à me suffire de ma pension actuelle et future qui est de 12 000 DA, un montant qui ne signifiera pratiquement plus rien dans quelques années, si ce n'est demain», déclare-t-il avec une pointe de tristesse.