Sur la porte d'entrée vitrée du siège de RFI à Issy-Les-Moulineaux, près de Paris, dimanche matin, une photo des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon, dont l'assassinat au Mali a provoqué une déferlante de messages d'auditeurs et de rédactions du monde entier. Dans le hall d'entrée traversé par des journalistes émus, visage fermé, parfois au bord des larmes, le logo rouge de la "radio mondiale" a été barré d'un ruban adhésif noir, en signe de deuil. Les dirigeants de Radio France Internationale, reçus dans la matinée par le président François Hollande, ont annoncé qu'ils partaient dimanche à Bamako pour rapatrier rapidement les corps de leurs confrères. Signe de l'émotion soulevée par ces morts, RFI, dont les programmes, essentiellement destinés à l'étranger, rassemblent chaque semaine environ 40 millions d'auditeurs, a reçu plus de 1.300 messages sur la boîte de courriel ouverte aux hommages des amis, confrères et auditeurs à Ghislaine Dupont et Claude Verlon (rfihommageàgmail.com). "Nous avons reçu des centaines de témoignages de Maliens qui sont édifiants. Ils sont aussi révoltés et honteux que cela se soit passé sur leur territoire", a déclaré à la presse la directrice de RFI, Cécile Mégie, de retour de l'Elysée. "Tout le monde est en deuil", dit Bruno Daroux, directeur de la rédaction Monde de RFI, en rappelant le lourd tribut payé par sa radio en une décennie. "En 10 ans, nous avons perdu quatre journalistes": Johanne Sutton en novembre 2001 en Afghanistan, Jean Helène en octobre 2003, assassiné par un policier en Côte d'Ivoire, et samedi, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, tués lors d'un reportage à Kidal, dans le nord du Mali. "Il faut continuer" Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a rendu visite dimanche en milieu de journée à la rédaction pour lui témoigner sa "solidarité". "J'ai dit à l'équipe de RFI qu'il fallait qu'ils continuent de faire leur travail, c'est ce qu'auraient souhaité ces journalistes aguerris qui ont été tués de façon odieuse", a-t-il déclaré. "C'est vrai que la situation des journalistes a changé. Avant être journaliste c'était être protégé, aujourd'hui c'est être une cible". Mais "la liberté d'informer et le droit d'informer sont des choses intangibles", a-t-il déclaré. Quelques minutes auparavant, une vingtaine de journalistes d'autres rédactions postés devant le siège de RFI avaient observé une minute de silence en hommage à leurs confrères disparus et en signe de soutien à une équipe RFI meurtrie. "On n'arrive pas à comprendre que leur chaise restera vide. On fait un métier où parfois on peut prendre une balle, c'est le risque. Mais être ciblé parce qu'on est journaliste, c'est injuste, cela devrait soulever l'indignation de tous", raconte, très ému, Nicolas Champeaux, journaliste au service Afrique de RFI. Il rappelle l'importance de la mission d'information: "des pays et des régions entiers disparaissent de la carte du monde quand les journalistes n'y vont plus". Mais "s'ils voulaient nous fermer le clapet, ils n'ont pas réussi, au contraire, ça va nous motiver encore plus pour y retourner", dit-il. "Il faut continuer. Nous retournerons au Mali", a renchéri Cécile Mégie. Des mots répétés inlassablement par l'ensemble des dirigeants et journalistes de "la radio du monde", qui demeure la radio la plus écoutée dans une grande majorité de capitales d'Afrique francophone.