Le commerce des équipements de chauffage non munis de cheminée, interdits à la vente, enregistre un recul notable à Oran et avec, comme conséquence directe, une réduction des accidents d'asphyxie au monoxyde de carbone. Mais malgré ce constat positif, la loi interdisant le commerce de ces "bombes à retardement", n'arrive pas à venir à bout de ces "chauffages de la mort" dont la vente se poursuit à Oran même si c'est sous le comptoir. Vendeurs sans scrupule et consommateurs inconscients, doublé d'un contrôle "parfois inefficace", font perdurer ce commerce à risque. Par "chauffages de la mort", on entend surtout les appareils qui ne sont pas munis d'une cheminée nécessaire pour évacuer les gaz brûlés, notamment le monoxyde de carbone, un gaz inodore qui provoque des asphyxies entraînant la mort. Ce terme désigne également des produits d'imitation provenant de Chine et de Turquie, qui, selon les spécialistes, ne répondent pas aux normes requises. Interdits mais toujours en vente Suite aux nombreux accidents d'asphyxie au monoxyde de carbone enregistrés par les services de la protection civile, à partir de 2008 dans diverses régions du pays, le ministère du Commerce a interdit la vente des chauffages sans cheminée, suspectés d'être à l'origine de ces décès. Ce n'est qu'à partir de l'hiver 2012-2013 que ces chauffages sont devenus rares sur le marché national. Une "éclipse " pas tout à fait totale, puisqu'il est possible d'en trouver encore sur le marché oranais. Une journaliste de l'APS, se faisant passer pour une cliente en quête d'un chauffage sans cheminée, a pu trouver plus d'un commerçant proposant en catimini cet équipement. Une virée à M'dina Djedida et au boulevard longeant les ronds-points "Pépinière" et "Morchid "qui connaissent la plus forte concentration des détaillants et grossistes de l'électroménager, a permis de faire le point sur le commerce de ces appareils. Si beaucoup de vendeurs ont choisi de se conformer à la loi et de ne pas vendre ces appareils, d'autres prennent le risque et proposent discrètement leur marchandise illégale, généralement dissimulée dans l'arrière-boutique. Chez les commerçants ayant pignon sur rue à "Morchid ", deux vendeurs ont répondu par oui à la demande d'un chauffage sans cheminée. Le premier a affirmé qu'il n'en a pas en stock mais qu'il peut le commander pour un éventuel acheteur. Le deuxième s'est précipité dans son arrière-boutique pour revenir avec un chauffage de fabrication chinoise, proposé à 11.000 dinars. Conscient du danger que peut représenter l'appareil, le vendeur a tout de même pris la peine de prévenir quant au danger qu'il peut représenter. "Tâchez de l'installer dans un endroit bien aéré car il libère des gaz pouvant être mortels s'il est installé dans un endroit étanche ", a-t-il mis en garde. Il n'est pas difficile de trouver les chauffages sans évacuation dans des magasins de M'dina Djedida, a-t-on constaté. Tous les vendeurs rencontrés semblent conscients du danger que peuvent représenter ces équipements. Ils prennent tout le temps et la peine de prévenir les clients potentiels. Toutefois, ils reconnaissent que le dernier mot revient aux clients, "complètement inconscients" pour certains. Tous les revendeurs ne sont pas cependant honnêtes. Certains prétendent que ces chauffages sont dotés d'un système d'auto-filtrage, "d'où l'absence et l'inutilité d'une cheminée ou d'un tuyau d'évacuation", diront-ils. Le client, "un roi inconscient ?" Hafid, un chauffagiste professionnel, cumulant plus de 20 ans d'expérience, sollicité par son ami qui a acheté un appareil doté d'un soit disant "auto-filtre qui transforme les gaz brûlés en chaleur", selon les prétentions du vendeur, a constaté, après le démontage, que le dit équipement non seulement ne contenait pas de filtres mais également aucun système de sécurité. Ce professionnel a tenu à insister sur la nécessité de "ne faire appel qu'à des chauffagistes et plombiers professionnels pour l'installation des équipements". "Une mauvaise installation ou la mauvaise qualité d'un joint peut être fatale et il ne faut point jouer avec sa vie et celle des siens ", recommande-t-il. "Les vendeurs qui proposent les chauffages aux normes douteuses répondent à une demande, celle d'un consommateur peu exigeant, et parfois inconscient", relève-t-on. "Malgré les mises en garde, certains choisissent quand même d'acheter ces chauffages". Les raisons qui les poussent à agir ainsi sont différentes : l'inexistence des conduites d'évacuation au sein du logement, les prix abordables affichés ou encore l'aspect pratique de ces appareils qui continuent à séduire plus d'un. Et les vendeurs se font bonne conscience en estimant qu'ils ne font que répondre à une demande. La sensibilisation comme seule solution La sensibilisation demeure ainsi la seule solution pour mettre un terme à cette situation. A Oran, les accidents d'asphyxie au monoxyde de carbone ont enregistré un recul depuis l'interdiction de la vente des chauffages sans évacuation. Les bilans de la protection civile indiquent qu'aucun décès dû à ce genre d'asphyxie n'a été enregistré en 2013, alors que 4 personnes y ont laissé leur vie l'année d'avant. Quelque 16 personnes y ont survécu en 2013 contre 36 en 2012. Contrôle, vous avez dit contrôle ? Si les chauffages sans évacuation se vendent sous le comptoir, les produits d'imitation, d'origines chinoise et turque, se vendent le plus normalement du monde. "L'inefficacité du contrôle du marché de l'électroménager, de manière générale, résulte essentiellement du manque de formation des contrôleurs", selon le président de la Fédération algérienne des consommateurs (FAC), Zaki Hariz, contacté par l'APS. Sans approuver cette thèse de manière franche, l'inspecteur principal, chargé de la communication au niveau de la direction du commerce d'Oran, Mokhtar Slimani, a indiqué que les contrôleurs "s'appuient sur les manuels des appareils électroménagers pour décider de leur conformité ou non", sans toutefois fournir une réponse claire quant à la spécialisation et la formation des contrôleurs. A chaque début de saison hivernale, la direction du commerce met en place un dispositif pour le contrôle des chauffages mis en vente. Toutefois, seuls les produits locaux sont inspectés car, les produits importés sont contrôlés, à leur arrivée, au niveau du port, par la direction du commerce extérieur. Contactés, les responsables de ce service se sont excusés de ne pas répondre aux sollicitations de l'APS car ils ne sont "pas habilités" à communiquer. Devant l'absence d'une nomenclature définissant des normes algériennes régissant les produits industriels, le contrôle des appareils électroménagers reste difficile. Tous les espoirs sont portés sur le futur laboratoire national du contrôle industriel, en réalisation à Sidi Abdellah à Alger et dont les travaux sont achevés à 80 pour cent.