La police anti-émeute ukrainienne a dispersé aux premières heures de samedi dans le centre de Kiev des centaines de manifestants pro-européens qui s'étaient rassemblés la veille place de l'Indépendance, ont rapporté des témoins. La police est intervenue contre les manifestants qui campaient encore sur la place après la manifestation de vendredi soir contre la décision du président Viktor Ianoukovitch de ne pas signer l'accord d'association et de libre échange qui était en négociation depuis des mois avec l'Union européenne. Les policiers ont tiré tout d'abord des grenades assourdissantes en direction de la foule puis sont intervenus à coups de matraques pour les chasser des lieux, poursuivant certains manifestants dans les rues avoisinantes. Vers 05h00 locales samedi, une partie de la place a été bouclée par les policiers anti-émeutes. Neuf ans plus tôt, en 2004, cette même place de l'Indépendance avait connu de grandes manifestations de la "révolution orange" contre la fraude électorale. Vendredi soir, quelques incidents avaient eu lieu entre les manifestants pro-européens et les policiers. Au moins quatre personnes avaient été passées à tabac par des policiers, dont un cameraman et un photographe de Reuters. Ce dernier, frappé à la tête, a eu le visage en sang. LE RÊVE EUROPEEN "VOLE" Dix mille manifestants pro-européens s'étaient rassemblés vendredi sur la place de l'Indépendance en accusant le président Ianoukovitch d'avoir "détruit leur rêve" d'un rapprochement avec l'Union européenne. Dans une mer de drapeaux bleus et jaunes, les couleurs à la fois de l'Ukraine et de l'UE, les protestataires avaient scandé "l'Ukraine c'est l'Europe". "Aujourd'hui, ils nous ont volé notre rêve, le rêve de vivre enfin dans un pays normal", avait lancé à la foule l'opposant Vitali Klitschko, qui veut se présenter à l'élection présidentielle de 2015. "Ne pas avoir signé l'accord d'association (avec l'UE) relève de la trahison", a-t-il ajouté. Le sommet de Vilnius, en Lituanie, consacré au rapprochement entre l'Union et six anciennes républiques soviétiques s'est achevé vendredi sans ce qui devait être sa grande réussite, la signature par Kiev d'un accord d'association avec l'UE. Le président Ianoukovitch a résolument bloqué les tentatives de compromis de dernière minute visant à relancer les négociations, que Kiev a gelées il y a une semaine. Alors que la foule entonnait l'hymne national, des cris se sont élevés deux cents mètres plus loin, provenant d'une contre-manifestation organisée - paradoxe - sur la place de l'Europe par trois ou quatre mille partisans du chef de l'Etat. Ces adversaires de l'association avec l'UE, venus pour beaucoup de l'Est russophone du pays, ont écouté des chants populaires et plusieurs orateurs qui ont salué la décision du président ukrainien. Malgré la proximité des deux rassemblements, aucun incident n'a été signalé entre les groupes rivaux de manifestants.