Ses poèmes influencèrent Senghor et Césaire. Ses idées ont servi de ferment au mouvement des noirs. Langston Hughes, né le 1er février 1902, était un militant et un magnifique écrivain. Cependant, on ne peut évoquer Langston sans parler de Countee Cullen. Ces deux poètes qui étaient les messagers d'un nouveau mouvement : le réveil littéraire. Le premier signal de ce mouvement fut donné par Cullen, un jeune garçon du ghetto qui fait paraître un poème dans un magazine littéraire de l'école secondaire de Witt Clinton en janvier 1921. Le poème qu'il avait envoyé s'intitule I Have a Rendez-vous With Life. Il décide de soumettre ce poème à un concours littéraire organisé par une association féminine à l'intention des lycéens. L'accueil qu'il reçut lui coupa le souffle. On se mit à citer le poème de Cullen. La presse le publia, les enseignants le lurent à leurs élèves et les pasteurs à leurs fidèles de la bourgeoisie. Six mois plus tard, il fut suivi de la publication dans The Crisis. L'organe influent et fort lu de l'association nationale pour le progrès des gens de couleur avait édité un poème en vers libre intitulé The Negro Speaks of Rivers, écrit par un autre jeune Noir, Langston Hughes. Le réveil littéraire s'imposa trois ans plus tard, Cullen et Hugues étaient des étoiles dont l'éclat aveugla un instant le regard des intellectuels blancs ou noirs. Ils ne se connaissaient pas avant d'attirer l'attention, alors que quelques rues à peine les séparaient à l'époque où Hugues était en première année à l'université Columbia. Ni dans leur personnalité ou leur milieu, ni dans leur attitude envers la vie il n'y avait quelque chose qui annonçait les rôles jumeaux qu'ils allaient jouer. Harlem symbolise en ce sens l'identité raciale Dans un des poèmes sur Harlem, Cullen écrit : «Ce n'est pas de l'eau qui coule ici, ces flots épais et rebelles précipitent la chair et l'os au-delà de la peur le long des ruelles des rêves.»Le vin est une drogue et en même temps un symbole de la race noire. Tout est dit en quelques vers véhiculant la rébellion. Harlem est un lieu à part. Il représente d'autres valeurs que celle de l'Amérique blanche. Le vin remplace la crainte par le courage. Il représente un héritage racial profond et ironique. Le primitivisme du poème offre en conclusion la joie de la musique et de la danse évoquée par des images d'amour sensuel. Harlem symbolise en ce sens l'identité raciale, les créations personnelles, la communication entre les hommes.
Desparents malheureux A Harlem, dans la paroisse d'une église, le pasteur et sa femme, qui n'avaient pas d'enfant, avaient adopté Countee, lorsque celui-ci avait près de 11 ans et lui avaient donné un nom et un foyer dans le presbytère de quatorze pièces. La gratitude de Countee envers ses parents adoptifs fait partie intégrante de sa personnalité d'adulte. Les thèmes tragiques ou tristes ne suffisent même pas à ôter à ses poèmes l'accent de la reconnaissance. Quant à Langston, auréolé d'une personnalité, il eut à souffrir de la rivalité qui opposait ses parents, objet de leur tendresse jalouse et possessive. Il partagea son temps entre un père malheureux dont les affaires prospéraient au Mexique et une mère malheureuse qui travaillait comme serveuse dans un restaurant. La jeunesse qui aurait pu être heureuse, sinon idyllique, s'en trouva fort assombrie, et c'est peut-être d'ici qu'est né le poème. Harlem, ce quartier new-yorkais, devint le carrefour de la production littéraire et musicale des Noirs, le jazz commença à s'imposer comme il faut dans le prétendu temple du plaisir.Les notions d'évasion, d'aliénation et de vulgaire mercantilisme n'étaient pas l'apanage des Noirs. La première fleur de Harlem Lorsque Roland Hayes se produisit en solstice avec l'orchestre symphonique de Boston, un éditorialiste d'un magazine écrivit : «J'ai vu un miracle à l'hôpital de ville. La moitié des gens étaient des Noirs, l'autre moitié des Blancs, mais sous l'emprise de la mélodie, ils étaient tous semblables, ils communiaient dans un silence total, prisonniers de la même émotion, et à la fin il n'y eut qu'un seul sanglot.» Puis il y a Mckay, ce Jamaïcain qui, dans l'un de ses romans, fait le portrait du paysan de son île et qui est semblable à celui du paysan qui reste profondément attaché à sa terre qu'il travaille avec un savoir-faire atavique; dur à la peine, mais apparemment condamné à une pauvreté éternelle parce qu'il trouve toujours quelqu'un pour exploiter son labeur.Le poète Langston Hughes disait à propos des ouvrages de Mckay, notamment le roman Home to Harlem, qu'il était la première fleur véritable de Harlem. Les notions d'évasion d'aliénation et de vulgaire mercantilisme n'étaient pas l'apanage des Noirs. Le banjo Durant les années 1920, les intellectuels de toutes les races y souscrivaient. La couleur ne fait qu'ajouter une dimension supplémentaire au problème déjà complexe de l'adaptation de l'intellectuel à la société. Entre autres instruments de musique, le banjo est par excellence l'instrument du Noir américain. Les notes éclatantes et aiguës du banjo appartiennent à la musique bruyante de la vie noire américaine. Elles affirment son existence vigoureuse au sein de la civilisation la plus tumultueuse de la vie moderne. «Quelque chose des anciennes reines oubliées se cache dans l'abandon de ta démarche, et quelque chose de l'esclave enchaîné sanglote au rythme de ta voix.» La renaissance trouva aussi ses assises au début du siècle dans le développement dialectique de la pensée politique et sociale.Le programme de Washington reposait sur le nationalisme économique. «Les Américains, noirs et blancs, devaient demeurer séparés comme les doigts de la main, mais unis comme le poing.» Les forces qui créent la renaissance ne surgirent pas du vide. Certains événements survenus dans la société blanche et même l'économie mondiale jouèrent un rôle essentiel dans l'avènement de cette renaissance culturelle noire. La synchronisation de la révolte littéraire et sociale aux Etats-Unis avec l'essor qui suivit la Première Guerre mondiale fit naître l'état d'esprit nécessaire à une renaissance culturelle... Les années folles.