Le scandale financier qui agite la Turquie a viré mercredi à la crise politique ouverte avec la démission successive de trois ministres. L'un d'entre eux a appelé, de manière inédite, le Premier ministre islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, à quitter le pouvoir. Le départ de ces trois proches de M. Erdogan devrait précipiter un remaniement ministériel déjà prévu dans la perspective des élections municipales du 30 mars prochain, selon la presse. M. Erdogan pourrait à tout moment rencontrer le chef de l'Etat Abdullah Gül pour lui présenter un nouveau cabinet. Le ministre de l'Economie Zafer Caglayan a annoncé tôt mercredi avoir quitté ses fonctions, suivi de celui de l'Intérieur Muammer Güler. Ces deux ministres clé, au cœur d'un scandale de corruption sans pareil, ont vu leurs fils arrêtés le 17 décembre dernier avec de nombreuses autres personnalités proches du pouvoir. MM. Güler et Caglayan ont utilisé la rhétorique du Premier ministre dénonçant l'opération policière et le scandale qui en a découlé, comme un "complot" visant à déstabiliser le parti de la Justice et du développement (AKP). Division avec Erdogan En annonçant sa démission de l'Environnement, Erdogan Bayraktar a, lui, pressé M. Erdogan de le suivre, un appel sans précédent en politique turque. M. Bayraktar, visiblement furieux d'avoir été forcé de quitter ses fonctions par le chef du gouvernement, a affirmé n'avoir "rien à se reprocher" dans l'enquête menée autour de projets de construction cités dans un vaste scandale financier. "De ce fait, je crois que le Premier ministre devrait aussi démissionner", a-t-il dit, se disant victime d'une "pression" de la part de M. Erdogan. Chef de la diplomatie visé Un quatrième ministre, celui des Affaires européennes, Egemen Bagis, est, lui aussi, la cible d'une procédure judiciaire pour son implication présumée dans le scandale, soupçonné notamment d'avoir reçu des pots-de-vin. Les quatre ministres ont nié toutes les accusations. Le coup de filet opéré par la police le 17 décembre dernier a ébranlé le prestige du gouvernement de M. Erdogan, dont le parti est au pouvoir depuis 2007 et qui s'était érigé ces dernières années comme le héros de la lutte anti-corruption dans le pays.