Les services secrets européens craignent le retour au bercail des «djihadistes» franco-arabes dont le nombre a été multiplié par trois durant ces six derniers mois. Beaucoup de citoyens européens, y compris de souche, sont partis combattre contre les troupes de Bachar al Assad depuis le début du conflit syrien, en 2011. Ils seraient entre 1500 et 2000 Européens d´origine arabe, essentiellement, et d´autres pays musulmans, partis pour des «convictions djihadistes», parmi eux quelques uns de souche, par «compassion» avec les victimes civiles, les enfants surtout, «massacrés» lors des bombardements de l´armée syrienne. 100 volontaires européens par jour depuis juin dernier Dans une récente conférence de presse qu´il avait animée conjointement avec son homologue belge, Joëlle Milquet, le ministre français de l´Intérieur, Manuel Walls, avait avancé le chiffre de 600 Européens qui ont rejoint les rangs des rebelles syriens depuis le mois de juin dernier. 80% d´entre eux sont d´origine musulmane et le reste de nouveaux convertis à l´Islam. Une partie avait rejoint l´Armée Syrienne Libre, et l´autre, la plus importante et la plus motivée, la branche d´Al Qaeda djabhat Nusra. Sur les 42 jeunes espagnols qui ont rejoint le front, 17 avaient choisi cette organisation terroriste islamiste, selon l´Institut Real Al Cano. Les djihadistes qui résident en Europe représentent 18% des effectifs qui combattent face aux troupes de Bachar al Assad, selon une étude publiée par le Centre International d´Etudes de la radicalisation (ICSR) basé à Londres. Leur nombre aurait été beaucoup plus élevé si la Turquie n´avait pas expulsé 1100 Européens en route pour la Syrie. Citant l'ICSR, le journal Haberturc avait avancé le chiffre de 11 000 combattants non syriens ayant combattu depuis 2011 en Syrie. Dans le camp arabe, les plus nombreux sont les Tunisiens et les Libyens dont les pays ont été les premiers à connaître la contagion du Printemps arabe. Parmi les Européens, on trouve les Français, les Britanniques, les Belges, les Hollandais et les Allemands. Par rapport au nombre d´habitants, les djihadistes danois et bosniaques sont les plus nombreux d´Europe. De son côté, le régime syrien a reçu le soutien de volontaires libanais du Hezbollah, d´Iran et d´Irak. Selon les services de renseignements européens, leur nombre oscillerait entre 5000 et 15000. Le chercheur américain David Kilcullen estime à trois fois plus le nombre de ces partisans de Damas, «environ 45000 hommes», selon ses estimations, soit deux fois plus que le nombre de combattants alignés par Al Qaeda face aux troupes de l´Otan en Afghanistan. Quels que soient les chiffres des effectifs réels, tous les experts internationaux s'accordent sur le fait que depuis l´arrivée de ces renforts, le régime syrien a pu inverser le rapport de force sur le terrain et se repositionner dans les fiefs de la rébellion. Tunisiens, Libyens, Palestiniens et Egyptiens en force Une défaite de la rébellion sur le terrain des affrontements accentuerait le retour des djihadistes européens dans leur pays. C´est là que réside le cauchemar de Manuel Valls. Par où va s´effectuer le retour de ces groupes terroristes ? Pour la ministre italienne des Affaires étrangères, Emma Bonino, il n´y a qu´une route. C´est celle de l´immigration clandestine depuis la Libye vers l´île de Lampedusa. Les craintes des Européens ne sont pas les mêmes partout en Europe. Par exemple, l´Espagne, dont seul un petit groupe de ressortissants est parti en Syrie, ne se fait pas de soucis de ce côté. Ce qu´elle craint le plus, par contre, c´est l´arrivée sur son territoire de ressortissants marocains ayant combattu en Syrie. Entre 900 et 1000 Marocains, tous originaires du nord voisin de l´Espagne, Nador, Tétouan ou des deux enclaves de Ceuta et Melilla, sont allés en Syrie. Il faut se rappeler que l'attentat de la gare centrale d´Atocha à Madrid, le 11 mars 2004 fut entièrement l´œuvre d´un groupe armé marocain jusque-là inconnu (Groupe des Combattants Islamiques Marocains) qui a voulu punir l´Espagne pour son engagement dans l´invasion de l´Irak. Aujourd´hui, l´Espagne développe une position modérée sur la Syrie. Elle continue de plaider pour une solution politique et non pour une intervention militaire dans ce pays arabe. Elle a organisé deux conférences pour unifier les rangs de la rébellion et en prépare une troisième, prévue au mois de janvier prochain, avant la tenue de Genève III. Les Algériens relativement moins nombreux Les Européens ont-ils des raisons fondées de craindre le retour de leurs «djihadistes» de Syrie ? En tout cas tous s´y préparent. Certains experts parmi les plus optimistes font observer que ces craintes sont injustifiées, puisque les djihadistes d´Irak ne sont pas revenus solder leurs comptes avec leurs pays d´envoi. Beaucoup de combattants en Irak sont morts. En Syrie aussi. Selon un tableau publié par les services secrets européens, le nombre de décès par pays arabe d´origine est le suivant : Tunisie (1902), Libye (1807), Irak (1432), Palestine (1002), Egypte (821), Arabie saoudite (821), Yémen (571), Maroc (412), Algérie (273) et tous les pays du Golfe réunis (107). Pour ne plus être un important pays d´envoi de djihadistes sur les champs de bataille à l´étranger, les experts internationaux considèrent l´Algérie comme le pays le plus stable de la région. Pour preuve, c´est l´un des rares pays à avoir été épargné par la contagion du Printemps arabe.