L'artiste ne part pas, il s'en va à la recherche d'un espace idéal empli de mouvement sempiternel, débordement de l'oubli et de l'enfermement, dérobade pour faire craqueler des signes, des rythmes, des lumières et des couleurs. Déferlement de vagues, bleues, vertes, transparentes, éblouissant le regard. Écho ! Ondes insaisissables, remous au revers des stances brisés. Il rythme l'ondoiement du corps et l'irrésistible nostalgie du pays : «Ce qui me touche le plus, ce n'est ni le paysage, ni la figure, mais ce sentiment nostalgique que j'ai de mon pays». Il s'agit de l'artiste peintre Abdellah Benanteur. Cet artiste avait offert les ventes d'une centaine de ses tableaux à la caisse de l'association algérienne Enfance et familles d'accueil bénévoles. «Les enfants sont nés pour être heureux». C'est surtout dans ce but qu'Abdellah Benanteur avait offert ses œuvres à cette association. L'artiste restera marqué par son enfance Ses œuvres figurent dans les musées et les bibliothèques de plusieurs pays. Retracer l'itinéraire pictural de Benanteur nécessite plus de temps et d'espaces pour pénétrer ; se noyer dans son univers artistique empreint d'une enfance chaude et tumultueuse. L'artiste restera marqué par son enfance, par les pulsions et les images qu'il garde englouties dans sa mémoire et qu'il renvoie par la suite en strates : olivier avec l'ardente couleur verte, puis les couleurs bleuissent pour devenir vagues, buissons et roches, un paysage pur aux couleurs vives. Des silhouettes se détachent. Elles flânent entre le flux et le reflux : montagnes, ravins, crêtes donnant le vertige. Les couleurs créent une métaphore. Elles vacillent entre les gris, les bleus ; les verts assourdis…La lumière éclate : soleil méditerranéen, douleur.Sang ! C'est la nostalgie du pays. Sols d'aube semés de braises, nuages d'herbes folles, faiseurs de nuages. La poétesse, le poète, les bergères font un monde fantastique au gré du pouvoir de l'imagination. «J'ai été très jeune attiré par le dessin. Ma chance a peut-être été toute une suite de longues maladies infantiles qui m'ont retenu à la maison. A onze ans, je dessinais beaucoup, des fleurs, des natures mortes avec des citrons, plus tard des portraits. J'en suis arrivé à la peinture. J'ai copié des reproductions en noir et blanc de Rembrandt. J'ai aimé les classiques du XIXe siècle, notamment Monticelli (...) Après, j'ai découvert Matisse, Paul Klee, éblouis par cet Orient coloré qu'ils avaient peint et que je ne connaissais pas. Mais aussi Franz Marc et l'expressionnisme allemand.» Une reconnaissance à l'art L'artiste peintre Abdallah Benanteur est né en 1931 à Mostaganem. Il commence à dessiner et peindre en 1943. Il étudie au sein des ateliers de sculpture puis de peinture de l'École des beaux-arts d'Oran. Il s'installe à Paris en 1953, en compagnie de son ami d'enfance Mohammed Khadda. Sa première exposition solo se déroule en 1957. A partir de 1962 Benanteur pratique la gravure. Il illustre également des poèmes, compose et imprime ses premiers livres de bibliophilie. Le musée d'art moderne de la ville de Paris organise une rétrospective de son oeuvre gravée en 1970, l'Institut du monde arabe en 2003. Le toqué qui va vers l'art «Chaque matin, quand j'ouvre la porte de mon atelier, j'entends l'art se dire : ‘'Voici le toqué qui vient chez moi''. J'adresse ma reconnaissance à l'art, mais je ne l'ai jamais entendu me remercier. Je voudrais m'effacer dans l'art. (..). Finalement, ce que l'on sait sur la personne n'existe pas, la personne du peintre est un obstacle entre lui et la peinture. C'est en nous effaçant en elle que nous la ferons exister». Benanteur scrute l'espace, éveille. La vision se fait lointaine, vertigineuse, elle brise les obstacles vastes, insaisissables ondes qui traquent l'immobilisme.