Des dizaines de milliers de Portugais ont rendu lundi un ultime hommage à Eusebio, mis en terre après une journée marquée par un dernier tour d'honneur au mythique stade de la Luz à Lisbonne de la légende du football. Massés le long des avenues de la capitale, les Lisboètes ont longuement accompagné celui qui les avait tant fait rêver. Sous une pluie battante, la dépouille mortelle d'Eusebio a été inhumée à 18H30 GMT au cimetière de Lumiar dans la banlieue nord de la capitale, non loin du stade de son club Benfica où il a tant brillé. L'ancien attaquant international de Benfica Rui Costa a jeté le drapeau rouge du club sur le cercueil qui a été descendu dans la tombe, devant Flora, la veuve en pleurs d'Eusebio. "Après avoir joué toute sa vie dans le stade de la Luz, Eusebio a rejoint désormais un autre stade, celui de la lumière éternelle", a relevé le prêtre Vitor Melicias dans son homélie. En présence de nombreuses personnalités, dont le président de la République Anibal Cavaco Silva et le Premier ministre Pedro Passos Coelho, il avait célébré auparavant une messe en l'Eglise du Séminaire. Le cimetière avait été envahi par des centaines de supporteurs de Benfica souvent indisciplinés qui ont bloqué pendant plus d'une heure le passage du corbillard, scandant "Eusebio, Eusebio". A bord d'une limousine noire, le cercueil d'Eusebio avait effectué un dernier tour d'honneur sur la pelouse du stade de la Luz, sous les applaudissements de 10.000 supporteurs en deuil. Le cercueil, recouvert d'un drapeau rouge de Benfica, était arrivé au stade à 13H30 GMT, avant d'être porté au centre de la pelouse où il a été brièvement placé sur un socle doré. La limousine a ensuite fait lentement le tour du stade au son de "Con te partiro" chanté par Andrea Bocelli. Au passage du corbillard, beaucoup de fans, certains en larmes, ont jeté leurs écharpes rouges sur le véhicule et entonné l'hymne national. "Un extraterrestre" Au premier rang du stade figuraient tous les joueurs du Benfica regroupés autour de leur coach Jorge Jesus. "Eusebio était un extraterrestre comme Ronaldo et Messi. Il sera le mythe éternel de Benfica", a déclaré l'entraîneur. Le cortège funèbre a ensuite quitté le stade, pour un défilé dans les principales artères de la capitale portugaise et un arrêt devant la mairie pour une brève cérémonie. Le Portugal s'était réveillé dimanche matin sous le choc en apprenant la mort de la légende du ballon rond, âgée de 71 ans, qui a profondément marqué l'histoire du pays et du monde du football. "L'un des plus grands joueurs de tous les temps", "un champion éternel", le "héros du Benfica": le Portugal pleure un monument du football mondial qui a forcé l'admiration sur le terrain, mais aussi en dehors des stades, où il passait pour un "gentleman". La dépouille d'Eusebio avait été exposée dimanche soir dans une chapelle ardente au stade de la Luz. Jusqu'à minuit, et puis à nouveau lundi matin, stars du monde du football, hommes politiques et supporteurs anonymes se sont relayés pour saluer celui qui les a fait vibrer lors des matches et a su gagner leur sympathie par son caractère avenant et chaleureux. "Le Portugal a perdu l'un de ses fils les plus aimés. Le pays pleure sa mort", a commenté M. Cavaco Silva, résumant le sentiment de tout un peuple. Depuis dimanche, et pour trois jours, le Portugal porte le deuil de son plus illustre symbole. Vœu ultime Les manifestations populaires rappellent l'enterrement, en 1999, de l'autre grande légende portugaise, Amalia Rodrigues, la "Reine du fado", accompagnée au cimetière de Prazeres (ouest de la capitale) par des centaines de milliers de personnes. Du reste, de nombreuses voix réclament déjà que Eusebio rejoigne la reine du fado au Panthéon national, où Amalia a été transférée deux ans après sa mort. Faire le tour du stade était le vœu ultime d'Eusebio, qui voulait donner à ses supporteurs l'occasion de faire leurs derniers adieux. Eusebio aimait à dire qu'il voulait mourir au stade de la Luz, un jour de victoire pour Benfica. Mais il est finalement décédé dans sa maison à Lumiar, d'un arrêt cardio-respiratoire. Né le 25 janvier 1942 à Maputo, capitale du Mozambique, alors colonie portugaise, le jeune homme issu d'une fratrie de huit enfants avait été recruté à 19 ans par le Benfica Lisbonne pour ses exceptionnelles qualités techniques et physiques. Toujours présenté comme le meilleur footballeur portugais de tous les temps, "le Roi" a rivalisé avec les plus grands de son époque, en premier lieu Pelé et l'Argentin Alfredo Di Stefano. "Je pleure la mort de mon frère, Eusebio. Nous étions devenus amis pendant la Coupe du monde 1966 en Angleterre", a réagi, ému, le "roi" Pelé sur son compte Twitter. Un Mondial dont il avait été le meilleur buteur (9 buts) mais qui lui avait laissé un goût d'inachevé: "J'ai été meilleur joueur du monde, meilleur buteur du monde et d'Europe. J'ai tout fait, sauf gagner un Mondial", disait-il fin 2011, se rappelant encore des larmes versées après la demi-finale perdue par le Portugal face à l'Angleterre (2-1).