Il doit être bien téméraire, le directeur de l'agence Ansej de la wilaya de Tipasa. Même s'il prend déjà les devants, des fois qu'on pensera plus haut à lui taper sur les doigts. S'il a commencé par se mettre à l'abri en avertissant que «l'Ansej est faite pour créer des emplois et non pour que ses bénéficiaires soient poursuivis en justice», il n'en demeure pas moins qu'il a révélé, dans le cadre de son «bilan d'activité 2013» que 113 «investisseurs» ont été poursuivis en justice depuis 1997 par l'Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes (Ansej) de la wilaya de Tipasa pour «non-respect de leurs engagements». Il y a bien un «cahier des charges» pourtant, et des obligations contractuelles qui permettent de sanctionner tout bénéficiaire qui ne respecte pas la procédure et l'ensemble du dispositif. Ce ne sont donc pas les dispositions légales qui manquent aux responsables locaux de l'Ansej de recourir à la justice, le cas échéant. Ce qui les fait attendre jusqu'à ne plus en pouvoir, quand il ne les fait pas carrément «oublier», c'est le… reste. A leur niveau de responsabilité d'abord, il n'est jamais bien sage de «ternir» son bilan en la matière par des conflits judiciaires avec ceux qu'ils sont censés servir en premier chef. Il n'y a pas mieux que les fleuves tranquilles pour servir une carrière et la hiérarchie n'en attend pas mieux comme preuve de réussite d'une formule présentée comme une géniale panacée aux problèmes d'emploi des jeunes. Nos dirigeants n'ont pas l'habitude de reconnaître leurs erreurs même quand l'échec est patent, ils poussent alors la folie jusqu'au bout. S'agissant de l'Ansej, c'est d'autant plus commode qu'il y a très peu de risque que le bide soit dénoncé de l'intérieur. Tout le monde a fini par trouver son compte. Ils avaient besoin de travail, on a fait «mieux» et plus facile pour eux : on leur a donné de l'argent ! Il était question qu'on les «accompagne» dans le processus de création de petites entreprises, avant de se rendre compte qu'ils n'en avaient pas besoin, puisqu'ils ne sont pas obligés de… créer des entreprises ! Pour le reste, on rembourse rarement un «prêt» qu'on n'a jamais demandé. Il faudra bien faire un jour un bilan sérieux de l'opération, ça promet. Mais on ne fait pas le bilan d'une… réussite. Même s'il se trouve quelques directeurs locaux encore capables de bémols dans une partition parfaite de complaisance, ce sera l'exception qui confirme la règle. Et encore. Le directeur de l'Ansej de la wilaya de Tipasa à qui on peut tout de même prêter une certaine candeur a toutefois estimé que «le non-remboursement des redevances de l'Ansej, la vente du matériel, le changement de projets initialement inscrits et le non-exercice de l'activité à travers des arrangement occultes» ne sont que des… dépassements qui peuvent être traités par des «solutions à l'amiable». Ce qu'il a entrepris pour une cinquantaine de cas en la matière ! Pour terminer en beauté, admirons tout de même ces chiffres, pour la seule wilaya en question : sur 8737 entreprises créées depuis 1998, «seules» 1067 sont en difficultés financières. Déjà que la proportion, prise telle quelle n'est pas vraiment un indice de réussite, on imagine le résultat quand on saura que ce taux de 12% est calculé sur les seules entreprises qui ont un semblant d'activité. C'est déjà ça qu'on ait songé à faire dire aux chiffres ce qu'on souhaite qu'ils disent. On pensait que les réussites «a priori» n'en avaient même pas besoin. [email protected]