Le ministre espagnol de l'Intérieur, Jorge Fernández Díaz, est en train de préparer un projet de réforme de la «loi sur les étrangers» pour que l'administration soit autorisée à procéder aux «expulsions à la frontière» des candidats à l'immigration clandestine. Cette disposition s´appliquera spécialement aux immigrés qui parviendraient à franchir clandestinement les enceintes des villes de Ceuta et de Melilla et, vraisemblablement aussi, à ceux qui seraient interceptés en mer à bord de spateras». Les forces de sécurité espagnoles pourraient donc procéder à ces expulsions immédiates vers le territoire de départ des «sans- papiers» sans procéder aux formalités d'usage sur leur identification préalable et celle du pays d´origine, comme le prévoit la législation en vigueur. «La loi actuelle ne prévoit pas de mesures propres aux situations particulières que connaissent Ceuta et Melilla», a estimé, hier, le ministre espagnol de l'Intérieur durant la session de contrôle de l´action du gouvernement par le Congrès des députés. Les «sans-papiers» qui réussissent à entrer dans ces villes sont immédiatement pris en charge par le Centre d'accueil temporaire des étrangers (Ceti). La décision prise par le gouvernement de Mariano Rajoy survient à un moment où se multiplient les avalanches de Subsahariens dans les présides de Ceuta et de Melilla. Depuis la semaine dernière, des centaines de ressortissants de divers pays africains tentent de franchir les lignes de barbelés séparant ces deux présides espagnols du territoire marocain ou de gagner à la nage les rivages de ces villes espagnoles. Selon un dernier bilan avancé de source officielle à Madrid, au moins 15 de ces candidats à l´immigration clandestine ont trouvé la mort par noyade, le 6 février dernier, après avoir tenté de joindre à la nage la plage Tarajal de Ceuta, depuis le territoire marocain. Les 23 rescapés ont accusé la gendarmerie de leur avoir tiré dessus par des balles en caoutchouc et lancé des gaz lacrymogènes dans le périmètre maritime où ils se trouvaient. Hier, la Guardía civíl (gendarmerie) a alerté contre la préparation d´un nouvel assaut auquel se prépareraient 1700 Subsahariens se trouvant actuellement dans une zone boisée marocaine située à quelques centaines de mètres des frontières des deux villes. Le patron de la gendarmerie : «Faut-il donc les accueillir avec des hôtesses !» Durant son intervention, hier, devant les députés sur les circonstances de cette tragédie, le directeur général de ce corps de sécurité, Arsenio Fernandez de la Mesa, un ami du président Rajoy, dont la démission avait été exigée par l´opposition socialiste, a répliqué avec une certaine ironie au sujet de l´usage des moyens antiémeutes contre des personnes qui se trouvaient en mer. Il a déclaré à l´adresse des députés socialistes : «Est-ce à votre avis, la solution était de les accueillir avec des hôtesses !» A Bruxelles, les experts européens soutiennent que les tirs de balles en caoutchouc ont pu provoquer une situation de panique qui explique la noyade de ces personnes dont beaucoup ne savaient pas ou savaient à peine nager. Le week-end dernier, la Commissaire européenne à l'Intérieur, Mme Cecilia Malmström, s'était dite «très préoccupée par le traitement réservé à ces candidats à l´immigration, n'excluant pas que Bruxelles envisage de recourir à des sanctions contre l'Espagne s'il se confirmait que les forces de sécurité espagnoles ont violé la législation européenne sur les droits de l'homme qui s´impose à tous les Etats membres.» Madrid appelle Bruxelles à l'aide Lundi, le gouvernement espagnol avait sorti ses arguments pour contrer la réaction de la Commission européenne en demandant l'aide de l'Union européenne pour freiner les pressions migratoires sur son territoire depuis le continent africain. L'Espagne soutient depuis des années que la lutte contre l'immigration illégale doit relever de la responsabilité collective des pays membres de l´UE. Son gouvernement suggère donc une action de prévention dans les pays d'origine des flux migratoires pour freiner les pressions migratoires sur son territoire depuis le continent africain. Madrid suggérera également à Bruxelles d´agir pour la collaboration active des pays de transit et d´envoi des «sans-papiers». Lors de la réunion des ministres de l´Intérieur et de la Justice qui s'est tenue au mois de février 2013, à Bruxelles, le ministre espagnol de l´Intérieur avait réclamé des «solutions concrètes contre les réseaux de trafic des personnes» dans ces pays et plaidé pour «le renforcement de leurs frontières terrestres par leurs propres moyens». C'est cette idée qui sera remise bientôt sur la table du Conseil européen par l´Espagne. Concrètement, l'Espagne réclame que les pays d´envoi et de transit coopèrent activement avec l´Organisation internationale pour la migration (OIM) et d´assouplir les formalités des retours des «sans-papiers» expulsés d´Espagne. Le gouvernement espagnol fait valoir que, dans le cadre du programme adopté par l´OIM, il a fourni au Maroc, en 2013, une aide de 200 000 euros, destinée à financer les frais des déplacements et les retours volontaires des Subsahariens. Ce programme est co-financé aussi par la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse. Selon des statistiques publiées par l´OIM, «jusqu'à la date du 11 décembre 2013, environ 120 personnes d´origine subsaharienne ont été accueillies par le Maroc d'où elles ont été réadmises dans leurs pays». Ces immigrés clandestins, spécialement des femmes et des enfants qui se trouvaient dans les alentours de Ceuta et Melilla, font partie de la catégorie des «personnes vulnérables».