En juillet 2002, le Maroc et l'Espagne sont allés jusqu'à la confrontation armée pour le contrôle de l'îlot de Perejil. Un rocher appelé aussi Leila ou Tourah, situé à quelques dizaines de mètres de la côte marocaine, sur lequel les deux pays revendiquent à ce jour leur souveraineté. Dix ans après ce conflit, un arrangement global autour des rochers litigieux semble avoir été trouvé entre Madrid et Rabat. Les autorités espagnoles seraient disposées à céder à leur voisin du sud les îlots soumis au régime de statu quo comme Perejil ,d'où une section amphibie de bérets espagnols avaient délogé, en 2002, le groupe de gendarmes du makhzen marocain qui s'y était installé sur ordre du roi Mohamed VI, qui voulait tester la réaction espagnole en cas de Marche verte sur Ceuta et Melilla, «villes occupées» par l'Espagne. Il s'agit de l'archipel de Chafarinas, à l'est de Melilla, et du rocher de Vélez de la Gomera, se trouvant à l'ouest de la même ville. Ces rochers, qui ont perdu leur valeur stratégique des XVIIIe et XIXe siècles, sont devenus, aujourd'hui, des relais pour le trafic de drogue et d'immigration clandestine à destination de l'Europe. Par dizaines, des harraga marocains et subsahariens y effectuent des haltes avant de faire la courte traversée vers les côtes espagnoles qui sont à moins de deux ou trois dizaines de kilomètres de là. Un vrai casse-tête pour l'Espagne, d'autant que les autorités marocaines ne jouent pas toujours le jeu de la collaboration contre ce fléau. L'Espagne et le Maroc sont, pourtant, liés par des accords prévoyant la création de patrouilles mixtes de lutte contre l'immigration clandestine. Sur ces terres de personne, le gouvernement espagnol avait décidé, cet été, l'envoi, notamment à Chafarinas, de petites garnisons de gendarmes pour décourager ces flux migratoires. Rabat y a vu un acte de violation de sa souveraineté territoire et a planté même son drapeau. Le ministre espagnol de l'Intérieur, Jorge Fernandez Díaz, a dû renoncer à son projet. A Madrid, on a décidé de réfléchir à la cession pure et simple de ces rochers trop encombrants et sans rentabilité économique, au royaume du Maroc. Leur gestion territoriale très complexe occasionne en plus des frais de contrôle dont le gouvernement Rajoy n'a pas besoin en cette période grande crise de la dette publique qui a contrait le ministère de la Défense à réduire de 20% son budget de fonctionnement. Cette idée soulève déjà l'enthousiasme des nationalistes marocains qui ont déjà fait de la «décolonisation» des présides de Ceuta et de Melilla un point incontournable dans les relations avec l'Espagne. La cession des îlots litigieux sera évoquée, de manière formelle, vraisemblablement, dans les prochaines semaines à l'occasion de la Réunion de Haut Niveau (RAN) hispano-marocaine qui ne s'est pas réunie depuis 2008. Le gouvernement Rajoy veut, toutefois, obtenir une contrepartie à sa proposition. Il ne veut pas exiger du Maroc le renoncement à ses revendications sur Ceuta et Melilla, cette question est taboue pour l'Espagne qui considère que ces deux présides, où les habitants se considèrent comme citoyens espagnols à plus de 90%, font partie du territoire de l'Union européenne. Madrid veut seulement que soit normalisée la relation des deux villes avec l'environnement marocain. Autrement dit, que soit réglementé le commerce dans cette zone ainsi que la circulation des personnes. Le trafic commercial avec Melilla, estimé à plus d'un milliard d'euros par an, fait vivre des millions de citoyens marocains spécialisés dans les activités de «trabendo». Il est, toutefois, peu probable que les Marocains, Palais Royal, gouvernement et opposition, acceptent ce marché dont l'objectif, inavoué par l'Espagne, est de faire définitivement l'impasse sur la revendication de la «souveraineté marocaine» sur Ceuta et Melilla, même si à Rabat on n'ose pas aller assez loin dans ses revendications nationalistes.