Après le vote du Sénat russe en faveur du recours aux forces armées en Ukraine samedi soir, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont tenté, hier, de faire pression par voie diplomatique sur le président russe afinde renoncer à l'action militaire. Devant le silence de Poutine, les dirigeants des trois puissances occidentales semblent bousculés et emploient la carte du boycott du prochain sommet du G8 pour éloigner la menace de guerre. En effet, la France a décidé, hier, de suspendre sa participation aux réunions préparatoires du G8 de Sotchi prévu en juin pour protester contre la décision du Sénat russe de déployer l'armée pour assurer la sécurité des Russes. «Nous avons suspendu notre participation aux réunions préparatoires qui vont se tenir dans les prochains jours», a déclaré une source de l'Elysée, précisant que cette décision avait été entérinée lors d'une réunion de crise entre le président François Hollande et le chef de la diplomatie Laurent Fabius. Les Etats-Unis et le Canada ont déjà fait savoir qu'ils pourraient ne pas se rendre au G8 de Sotchi. M. Fabius a aussi souhaité une médiation dans les meilleurs délais pour éviter une opération militaire russe en Ukraine. De son côté, le ministre des Affaires étrangères, William Hague, a annoncé, hier, que le Royaume-Uni suspendait sa participation aux réunions préparatoires du G8 de Sotchi, avant de se rendre à Kiev. «Le Royaume-Uni va se joindre à d'autres pays du G8 cette semaine en suspendant notre coopération sous l'égide du G8 que la Russie préside cette année, ce qui inclut les réunions de cette semaine pour la préparation du sommet du G8 et ensuite nous allons garder cette approche pour les prochaines réunions du G8 à l'étude», a annoncé sur la chaîne de télévision Sky News le chef de la diplomatie britannique. «Il est essentiel que nous fassions tout ce qui est possible pour apaiser les tensions», a-t-il ajouté alors qu'il se trouvait sur le tarmac d'une base militaire britannique, prêt à monter à bord d'un avion pour gagner Kiev. «Nous condamnons l'escalade militaire russe et souhaitons que soit organisée dans les meilleurs délais une médiation, soit directement entre Russes et Ukrainiens soit par l'intermédiaire de l'ONU ou de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe)», a déclaré, pour sa part, M. Fabius à l'émission Grand rendez-vous (Europe1/I-Télé/Le Monde). «La Russie est traditionnellement notre amie. Nous souhaitons d'un ami traditionnel autre chose qu'un bruit de bottes», a poursuivi le ministre. Les Occidentaux font monter la pression diplomatique sur Moscou, après le feu vert obtenu samedi soir en Russie par Vladimir Poutine pour une intervention armée russe en Ukraine, particulièrement en Crimée et dans l'est du pays, où Moscou veut protéger ses intérêts et les populations russophones. Les ambassadeurs des 28 pays membres de l'OTAN ont tenu, hier, une réunion d'urgence au siège de l'Alliance atlantique à Bruxelles. Retour à l'accord-cadre signépar le président Ianoukovitch «La Russie a appelé à faire rentrer la situation en Ukraine dans le cadre politique, pour permettre à ce pays de sortir de la crise», a déclaré hier le représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies, Vitali Tchourkine. «Il faut faire rentrer cette situation (en Ukraine) dans la voie politique, dans le cadre constitutionnel, retourner à l'accord du 21 février et créer un gouvernement d'unité nationale. Il faut également arrêter d'essayer de recourir au langage de la force avec les opposants politiques ou ethniques», a déclaré le diplomate russe. Selon M.Tchourkine, il faut également «serrer la bride aux radicaux et conseiller à l'opposition ukrainienne de prendre ses distances avec les radicaux». Des négociations sur le règlement du conflit en Ukraine se sont déroulées le 21 février à Kiev. Elles ont abouti à la conclusion d'un accord signé par le président Ianoukovitch et par les dirigeants de l'opposition. Ce document prévoit notamment une élection anticipée du chef de l'Etat, la formation d'un gouvernement d'unité nationale et une réforme constitutionnelle élargissant les pouvoirs du Premier ministre au détriment de ceux du Président. Or, au mépris des ententes intervenues et sans attendre que la loi modifiant la Constitution soit signée par Viktor Ianoukovitch, les députés ont voté un décret transférant les pouvoirs de chef de l'Etat au président de la Rada suprême, Alexandre Tourtchinov. Manifestation à Moscou Le vice-président de la Douma, Sergueï Jelezniak, a annoncé, hier, l'organisation d'une grande marche à Moscou en faveur du peuple ukrainien fraternel. Jelezniak a noté que la majorité des Russes ont des amis et des parents en Ukraine. «Maintenant, ils sont harcelés et agressés en raison du fait qu'ils parlent russe», a déclaré le député. Selon lui, les habitants de la Crimée et de l'Ukraine orientale sont dans une situation particulièrement difficile. «Le peuple multinational fraternel de l'Ukraine a besoin de notre protection et de soutien», a ajouté Jelezniak. Des militaires ukrainiens ont quitté hier leurs unités déployées en Crimée et démissionnent massivement, a rapporté un correspondant de RIA Novosti. Les unités, le matériel et les arsenaux délaissés passent aux mains des forces d'autodéfense qui assurent l'ordre et la sécurité dans la région. Samedi, le premier vice-Premier ministre de la République autonome ukrainienne de Crimée, Roustam Temirgaliev, a déclaré qu'il ne restait plus d'unités valides de l'armée ukrainienne sur le territoire de la péninsule. La décision du Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement russe) d'autoriser le recours à la force en Crimée constitue une riposte aux actions de la «bande nazie» (radicaux ukrainiens-ndlr), a déclaré de son côté le président du Parlement de la Crimée, Vladimir Konstantinov, lors d'une conférence de presse à Simféropol. «La situation dans le sud-est de l'Ukraine reste très tendue. Les habitants essaient de se protéger. Nous sommes parfaitement au courant de quoi est capable cette bande nazie. Je regrette beaucoup que les chers hommes politiques de Kiev aient décidé de résoudre leurs problèmes en recourant à cette force terrible. Le Conseil de la Fédération ne peut pas rester indifférent au sort de ses concitoyens en Ukraine, aussi a-t-il pris cette décision», a indiqué le responsable. Il a également conseillé aux autorités ukrainiennes de «ne pas mener la guerre contre leur propre peuple».