Le président russe Vladimir Poutine s'est exprimé, hier, au cours d'une conférence de presse à Moscou, sur la crise ukrainienne en apportant plus de précisions et d'éclairages sur la situation de ce pays voisin. Selon les dépêches diffusées hier par l'agence de presse internationale Ria Novosti, le président russe a qualifié «les récents événements en Ukraine de coup d'Etat anticonstitutionnel et de prise de pouvoir par les armes». «Il ne peut y avoir qu'une seule évaluation de ce qui s'est passé en Ukraine : c'est un coup d'Etat anticonstitutionnel et une prise de pouvoir par les armes», a déclaré le chef de l'Etat russe. «Viktor Ianoukovitch a de facto renoncé au pouvoir en Ukraine en signant le 21 février un accord de sortie de crise», a ajouté le président russe. «Le 21 février, sous la médiation des chefs de diplomatie de trois pays européens, la Pologne, l'Allemagne et la France, et en présence de mon représentant, le délégué russe aux droits de l'homme Vladimir Loukine, le président Ianoukovitch et l'opposition ont signé un accord en vertu duquel M. Ianoukovitch a pratiquement abandonné son pouvoir», a affirmé M. Poutine. Selon lui, Viktor Ianoukovitch «a accepté tout ce que l'opposition exigeait». Des négociations sur le règlement du conflit en Ukraine se sont déroulées le 21 février à Kiev. Elles ont réuni le président en exercice Viktor Ianoukovitch, les chefs de file de l'opposition Arseni Iatseniouk et Vitali Klitschko, les chefs de diplomatie français, allemand et polonais Laurent Fabius, Frank-Walter Steinmeier et Radoslaw Sikorski, ainsi que le représentant de la Russie Vladimir Loukine. Les négociations ont abouti à la conclusion d'un accord prévoyant notamment une élection anticipée du chef de l'Etat, la formation d'un gouvernement d'unité nationale et une réforme constitutionnelle élargissant les pouvoirs du premier ministre au détriment de ceux du président. Au mépris des ententes intervenues et sans attendre que la loi modifiant la Constitution soit signée par Viktor Ianoukovitch, les députés ont voté un décret transférant les pouvoirs du chef de l'Etat au président de la Rada suprême (parlement), Alexandre Tourtchinov. «La Russie a accueilli le président ukrainien Viktor Ianoukovitch sur son sol pour des raisons humanitaires, la vie de ce dernier étant en danger», a tenu à clarifier M. Poutine, précisant que «nous avons joué un rôle dans son sort pour des raisons exclusivement humaines. A mon avis, il aurait été assassiné». Pour le président russe, «Viktor Ianoukovitch n'a pas d'avenir politique». «J'ai du mal à le dire. Je pense toutefois qu'il (Ianoukovitch) n'a pas d'avenir politique», a déclaré le chef de l'Etat russe. Une révolution engendrerait un nouvel Etat «Si ce qui s'est produit en Ukraine n'est pas un coup d'Etat, mais une révolution, cela signifie qu'il s'agit d'un nouvel Etat avec lequel la Russie n'a signé aucun document contraignant», a-t-il fait remarquer. «Quand nous indiquons que c'est un coup d'Etat anticonstitutionnel, on nous dit que non, ce n'est pas un coup d'Etat anticonstitutionnel ni une prise de pouvoir armée, mais une révolution. Mais si c'est une révolution, qu'est-ce que cela signifie ? Il m'est alors difficile de ne pas m'aligner sur l'avis de certains de nos experts estimant qu'un nouvel Etat apparaît sur ce territoire. Tout comme cela s'est produit après l'effondrement de l'Empire russe, suite à la révolution de 1917», a déclaré le chef de l'Etat devant les journalistes. «Un nouvel Etat apparaît, et avec cet Etat et à l'égard de cet Etat, nous n'avons signé aucun document contraignant», a ajouté M. Poutine. «Le parlement ukrainien est partiellement légitime, tandis que le président par intérim ne l'est pas», a souligné Vladimir Poutine. Pour étayer son propos, il a ajouté : «Les autorités ukrainiennes sont-elles légitimes ? Le parlement est partiellement légitime, mais les autres ne le sont pas. Et le président ukrainien par intérim n'a pas la moindre légitimité», a indiqué M.Poutine. «Il y a un seul président légitime du point de vue juridique. Il est clair qu'il n'a aucun pouvoir. Mais M.Ianoukovitch est bien sûr le seul président légitime du pays», a noté le président russe. Selon M.Poutine, Il y a trois raisons légitimes de nommer un autre président en Ukraine : son décès, sa démission et la motion de confiance. La procédure de motion de confiance est réglementée par la Constitution. Elle doit se tenir avec la participation de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et de la Rada suprême (parlement). C'est une procédure longue et complexe. On n'a pas organisé cette procédure», a rappelé M.Poutine. Par ailleurs, la Russie n'envisage pas la possibilité d'annexer la Crimée, presqu'île ukrainienne à majorité russophone, a ajouté le président russe. «Non, nous n'examinons pas une telle possibilité», a indiqué le chef du Kremlin. Mais «la Russie se réserve le droit de réagir à une demande d'aide et de mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour assurer la sécurité des citoyens ukrainiens, si l'est du pays est touché par la même anarchie que Kiev», rappelle-t-il. «Si nous voyons que cette anarchie commence à envahir les régions de l'est (frontalières avec la Fédération de Russie, ndlr), si la population demande notre aide, nous nous réservons le droit de mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour les défendre, une demande du président légitime en exercice étant déjà à notre disposition. A notre avis, c'est tout à fait légal», a déclaré le chef de l'Etat russe. Et d'ajouter que le recours à la force en Ukraine ne s'imposait pas pour le moment.