Abderrezak Makri, le porteur d'allumettes des islamistes «modérés», a tiré sur Louisa Hanoune. Cette formule est revenue à n'en plus finir dans les comptes rendus et commentaires de la presse nationale de ces derniers jours. En allant au fond des choses, en consultant le gouffre qui sépare le parcours personnel et la matrice doctrinale de chacun d'eux, cette réplique un peu facile mais pertinente aurait pu s'imposer : mais que voulez-vous qu'Abderrezak Makri fasse avec Louisa Hanoune, sinon… «tirer sur elle» ? Elle a été militante des années de plomb, elle a vécu la prison et la persécution, il est arrivé à la politique comme un bébé qui naît avec une cuiller dorée dans la bouche. Elle aurait pu incarner une gauche utopiste mais généreuse, il incarne l'économie de bazar. Elle aurait pu être une femme libre, il propose une société des ténèbres où il n'y a aucune place pour elle. Elle aurait pu se situer résolument dans un projet de société moderne, il veut construire un Etat anachronique en surfant sur une ouverture d'esprit tactique. Mais les choses ne sont pas si simples, sinon, Louisa Hanoune et Abderrezak Makri ne se seraient sans doute jamais retrouvés à ce fameux colloque dont il a archivé images et paroles pour s'en servir dans cette agression caractérisée. Enfin, des images et des paroles, réelles ou supposées, le mensonge n'étant pas vraiment une chose étrangère aux islamistes, il est même une pièce majeure de leur artillerie lourde. Ils se sont certainement rencontrés ce jour-là à Colomb comme ils se sont rencontrés ailleurs, parce qu'ils avaient quelque chose alors à partager. Mais plus prosaïquement, c'est elle qui a été sur son terrain. Elle pensait avoir trouvé des alliés, ils ne peuvent accepter que des ralliés. En politique comme dans la conception de la vie. On comprend qu'il la traîne dans la boue pour l'avoir vue avec un verre de vin à la main, même s'il ne l'avait pas fait au moment des faits. A l'époque, elle apportait de l'eau à leur moulin sur quelque chose de plus essentiel. Par contre, on ne peut pas comprendre qu'elle, Louisa, se fasse une quelque illusion sur la nature du compromis qui les avaient réunis. Jusqu'à aujourd'hui, Makri n'ose pas lui reproche quelque chose de sérieux que l'accusation- bateau d'avoir noirci en terre étrangère le tableau de son pays dont il aurait été, lui, le vigile intraitable. Et puis cette image insupportable d'une femme politique algérienne causant avec un Français, un ballon de rouge à la main ! Aujourd'hui, Madame Hanoune semble avoir tiré quelques leçons de ses illusions passées. Elle ne l'exprime pas avec la détermination qu'on lui connaît sur d'autres terrains, mais elle en fait une esquisse assez nette. Le problème est qu'elle le fait en candidate à une élection présidentielle. C'est-à-dire avec moins de bonheur qu'on aurait pu attendre d'elle. Et c'est à ce titre que Makri s'en prend à elle de manière aussi grossière, pensant que sa posture de boycotteur peut tout lui permettre. Le voilà enfin qui sort un argument politique, accablant Louisa Hanoune d'être dans les bonnes grâces du pouvoir. Juste dans la posture du moment, puisqu'en termes de compromission avec le pouvoir, ce sont Makri et les siens qui y ont été le plus franchement. Même si le chef du MSP prétend avoir décliné l'offre d'un poste important. Ce n'est pas sûr mais chez les islamistes, on n'est pas à un mensonge près. [email protected]