Le patron du MSP, Makri, lors du meeting de soutien pour l'Egypte Depuis son élection lors du 5e congrès en mai 2012, le leader du MSP, Abderrezak Makri, n'a pas cessé de multiplier les actions pour marquer sa différence avec les autres dirigeants de son parti. Devenu l'élève d'Ennahda, le MSP organise des manifestations pour soutenir les Frères musulmans en Egypte, projette de lancer sa propre télévision, n'a jamais autant agi que depuis une année. Abderrezak Makri, ce docteur en médecine et ancien vice-président du Mouvement de la société pour la paix, se présente plus comme un manager moderne et new-look, parlant aussi bien l'arabe que le français qu'un chef de parti rigoriste et barbu, passant l'essentiel de son temps dans une mosquée. Avec ses yeux verts et ses lunettes d'intellectuel, Makri veut, à tout prix, séduire un électorat islamiste perdu et récupérer la popularité d'un mouvement détruit par la corruption, les hommes d'affaires et les opportunistes en tout genre. Depuis son élection à la tête du Mouvement de la société pour la paix (MSP), le nouveau et jeune président du parti islamiste modéré veut se présenter comme le leader incontesté d'un islamisme politique de plus en plus dissipé. Depuis l'éclatement de la crise en Egypte, le MSP, à travers son président, ne cesse de s'agiter pour dénoncer la répression dont ont été victimes les militants du mouvement des Frères musulmans. Une agitation politique qui n'a pas été du goût du Premier ministre Sellal qui a brandi depuis Jijel la menace contre toute tentative de déstabilisation du pays. Le 8 juillet, le MSP tente d'organiser une manifestation de soutien devant l'ambassade d'Egypte qui fut rapidement avortée par les services de sécurité. Devant le refus des autorités de permettre un meeting ou un rassemblement dans la capitale, c'est devant son siège à El Mouradia que le président du MSP a organisé un meeting, le 15 août dernier, rassemblant une bonne centaine de militants islamistes pour dénoncer «l'agression» dont ont été victimes les Frères musulmans en Egypte. Lors de son discours, le patron du MSP a présenté les Frères musulmans comme les véritables démocrates du monde arabo-musulman. Soutenu par certains médias proches des tendances islamistes, Abderrezak Makri a même annoncé à cette occasion son projet de lancement d'une chaîne de télévision à l'approche de la présidentielle de 2014. Toute cette agitation politique est intervenue juste avant sa rencontre avec l'ambassadeur américain, Henry S. Ensher, le 6 août, avec qui il a largement discuté en arabe de la situation des islamistes en Algérie, mais surtout de la situation de l'internationale islamiste qui vit les moments les plus difficiles de son histoire. Ecarté en Egypte, laminé en Syrie, détruit en Irak, marginalisé en Palestine, déstabilisé en Turquie et menacé en Tunisie et au Maroc, l'islamisme politique est plus que jamais sur un brasier dans le Monde arabo-musulman. Conscient de cette situation inédite, le MSP veut récupérer cette situation chaotique du mouvement des Frères musulmans dans le monde pour se porter comme porte-étendard du mouvement dans le Monde arabe et s'installer comme une nouvelle force politique qu'il a mis longtemps pour la construire. Il faut dire que Makri a les habits d'un leader islamiste moderne et international. Il a participé en mai 2010 à la «flottille de la liberté» où il dirigea la délégation algérienne partie avec la flottille international pour Ghaza avant d'être attaqué et fait prisonnier par l'armée israélienne. Un leader charismatique qui veut se rapprocher du modèle turc et a été le premier à saluer les propos tenus par le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan, sur le génocide commis par la France coloniale en Algérie. C'est bien Makri qui avait déclaré, à partir de Mascara, le 30 juin dernier: «Le mouvement Hamas est un parti d'opposition qui active pour retrouver la place qui est la sienne dans le champ politique du pays. Ce statut n'est pas définitif puisque nous oeuvrons pour prendre le pouvoir et gérer le pays. Nous sommes conscients que l'avenir nous appartient.» Abderrezak Makri qui a créé une nouvelle méthode de faire la politique chez les islamistes, préférant se rapprocher du RCD et du FFS que des frères d'obédience islamiste et colistier dans l'Alliance verte à l'Assemblée: El Islah et Ennahda. Le MSP, version Makri, se sent mieux dans les bras de Ghannouchi et de son mouvement Ennahdha et de sa politique désavouée en Tunisie que dans le coeur ouvert des Algériens. A la recherche d'un parrain légitime et reconnu dans le mouvement islamiste international et surtout maghrébin, le jeune Abderrezak Makri (53 ans) à l'image de Malcolm X devant son parrain Elijah Muhammad dans le mouvement américain de Nation of Islam, est devenu «le fils spirituel et politique» du leader du mouvement Ennahda, Rached Ghannouchi (73 ans), qu'il invita, en grande pompe à Alger, en juin 2013 et auquel il demanda conseil et protection pour présenter sa candidature à la magistrature suprême en 2014. Ce dernier avait à l'époque appelé à voter Makri à la présidentielle de 2014 avant de se raviser quelques jours après. Seulement voilà, depuis la venue de Ghannouchi à Alger, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et surtout dans le fleuve du Nil. Après avoir été porté par les révolutions arabes, le mouvement islamiste international qui a commis des erreurs de réglage durant son mandat, est en train de subir les problèmes de sa gestion politique chaotique en Egypte et en Tunisie et même en Turquie. De plus, le MSP de 2013 n'est pas le MSP de Nahnah ni celui de Soltani. Le parti qui s'est vidé de ses principaux cadres, Ghoul, Menasra et Dane, risque de couler avec son capitaine. A force de chercher des soutiens politiques à Tunis, à Doha et au Caire, Makri risque de se brûler les ailes comme Icare et ne réalisera pas le rêve qui le fascine: arriver un jour au pouvoir.