Saïd R. est un jeune qui a appris au tribunal ce que vaut de laisser ses nerfs gonfler... L'outrage à policier dans l'exercie de ses fonctions a valu à Saïd R., âgé de vingt-sept ans, une détention préventive de quatorze jours, car le procès qui devait se tenir dans le cadre du flagrant délit avait été renvoyé, les victimes ne s'étant pas déplacées au tribunal. Avec son esprit de justice, la présidente avait tenu au respect de la loi : «Ici nous écoutons toutes les parties. Il n'est pas question de laisser les gens “jouer” tout seuls à la barre», avait averti la juge. Le jour J, le jeune détenu s'avance dans un état piteux. - «Vous êtes bien ?», dit la magistrate qui ajoute qu'en cas d'empêchement, elle avait le pouvoir de renvoyer les débats. - Non, non, madame la présidente. Je vais mieux, beaucoup mieux. Je veux être jugé aujourd'hui et sans avocat s'il vous plaît, car je suis innocent. - Ah non ! Vous n'allez tout de même pas tenter de dévier le cours du dossier. -Savez-vous pourquoi vous êtes ici ? récite, les yeux mi-clos la juge. - Ah oui bien sûr que je le sais, j'ai dérapé et je le regrette, car il m'est... -Attendez, attendez, inculpé. Allez-y doucement. Il y a une minute et demie, vous affirmiez être innocent et voilà que vous me balancez des regrets. Où en sommes-nous alors ? précise la présidente de la section correctionnelle. Le détenu se tient les épaules des deux mains, les bras croisés puissamment et lance dans un silence comme seules les salles d'audience des grands jours peuvent en connaître. -C'est le diable qui est responsable puisque... - Mais la police ne vous a pas ramené Satan. C'est vous qui vous étiez rendu coupable de violence verbale envers des fonctionnaires de police, coupe intentionnellement le procureur qui veut visiblement amener l'inculpé à reconnaître le délit, tout le délit. -Vous n'étiez pas sur place pour juger des faits, tonne le détenu qui est rappelé à l'ordre par la présidente. -Ici, on s'adresse au tribunal. Ne répondez plus en regardant monsieur le procureur et cessez de tourner la tête vers l'arrière de la salle. -Oui, madame, je suis désolé pour les réponses à monsieur le procureur. Quant à ma tête je cherche vainement ma copine qui était avec moi. Elle peut vous donner son témoignage -Ce n'est pas la peine. Dans son témoignage que j'ai sous les yeux, elle a fermement dit que vous n'aviez pas apprécié que le policier vous ait rappelé votre tentative de chevaucher la ligne continue. C'est tout, mâchonne la magistrate qui va enfin sourire lorsque Saïd R. se met à table. -C'est vrai, madame la présidente. Je me suis énervé pour rien et je présente mes excuses aux deux victimes ici présentes et à toute la police, débite la tête basse le détenu. - Nous y sommes, c'est bien. Victimes que demandez-vous ? Enchaîne la juge qui va éclater lorsqu'ils demandent un châtiment exemplaire : -Non, ce n'est pas votre rôle, c'est celui de monsieur le procureur. Que demandez-vous à titre de réparation ? -Rien madame la présidente. Il a assez purgé ! -ça suffit, on rend justice pas de commentaires. Monsieur le procureur, vos réquisitions, s'il vous plaît. -Six mois de prison ferme, murmure presque le parquetier qui a dû retenir les regrets et les excuses de Saïd R. qui va écoper de six mois de prison mais assortis de sursis. Le sursis, cette épée de Damoclès qui va pendre au-dessus de la tête de Saïd R. lequel va devoir se tenir à carreau.