Les nerfs en boule n'ont jamais rien réglé. Un automobiliste passe à proximité d'un policier, le portable collé à l'oreille. C'est interdit par la loi. Le flic siffle, le bonhomme s'arrête vingt mètres plus loin. Puis sans que rien ne le laisse prévoir, le ton monte. C'est l'usager de la route qui gronde. Il ira jusqu'à tenter d'alerter «quelqu'un». Vainement. Les deux hommes se «disputent» le phone. L'inculpé lâche l'appareil qui va droit sur le nez du policier dont le sang versé sera vite essuyé par une présentation du «rebelle de la route» et c'est la détention préventive. A la barre, l'inculpé ne saura pas se défendre, et pire, il y a deux témoins de la scène. Un gaillard de plus de quatre-vingt-dix kilos et de cent quatre-vingts centimètres comparaît en flagrant délit d'avoir rossé un flic dans l'exercice de ses fonctions. Le policier y a laissé la bout du nez et le détenu se défend de l'avoir agressé intentionnellement. La juge du jour n'est autre que Sabrina Makhloufi, du pénal du tribunal de Bir Mourad Raïs (Alger). Elle avait dès le début envie de refaire une reconstitution des faits tant ils étaient graves. - «Alors puisque vous vous accrochez à l'impossible, nous allons d'abord entendre la victime et les deux témoins», balance la présidente qui attendra cinq secondes avant de suivre les dénégations de l'inculpé qui crie à l'injustice, à la hogra et même criant qu'il est lui-même victime des agissement de la police quand il était tranquillement au volant de sa voiture neuve, acquise, selon lui, au prix d'immenses sacrifices aux dépens de sa famille. «Le tribunal veut avoir votre version des faits. Dites-nous comment et pourquoi vous vous en étiez pris à l'agent de police qui n'était là que pour faire son boulot», articule Makhloufi. Lasse d'attendre, elle invite la victime à relater les faits. «Il est passé, le portable à l'oreille. Lorsqu'il avait deviné que je l'avais pris en pleine faute, il a jeté l'appareil entre ses cuisses. Par réflexe, je lui demandais de me remettre le portable. Ce qu'il fit rageusement. Au bout, une voix nasillarde continuait à parler, donc j'avais raison. Le monsieur était en communication au volant et en roulant», a raconté le policier frais et décidé. «C'est bon, policier ! Faites entrer le premier témoin», ordonna-t-elle. La version du jeune homme sera semblable à celle du second, et les deux versions sont allées dans le sens des explications du policier-victime. «Le monsieur est alors descendu de la voiture en refermant avec fracas la portière. Ensuite il prit son portable pour probablement informer une connaissance en vue de le secourir. Mais comme le policier avait voulu l'en empêcher, la violence du coup de portable sur le visage du policier fit que le nez avait pété et beaucoup de sang avait coulé.» Convaincue, la juge prend acte des demandes de Mourad Hellal, le procureur, et invita l'avocate de l'inculpé. Tentant de semer le doute, le conseil aborda rapidement la personnalité de l'inculpé. «C'est un malade. Il est plus nerveux que malade. Il est en soins actuellement. Et même en détention préventive, il a été gracieusement assisté par un médecin qui a fourni les médicaments dont la prise l'avaient aidé à mieux se porter, et sa présence ce jour est la preuve qu'il s'est calmé», a dit le défenseur qui a réclamé de larges circonstances atténuantes. En guise de dernier mot, le détenu laissera échapper : «Je demande la relaxe.» Makhloufi rend la sentence : une peine de prison ferme de deux mois.