Dans les années 1960/1970, Abdelhalim Hafez était l'idole de tous les Algériens et Algériennes. L'émission «Ma yetlobouhou El Moustamiôune» (dédicaces), que présentait l'animateur Djamel Khouidmi, était inondée de lettres de jeunes filles demandant la diffusion des chansons de leur star préférée. Bien que les chansons de Guerouabi fussent très demandées, le record était tout de même battu par la vedette égyptienne. Même après sa mort et jusqu'à aujourd'hui, beaucoup de nostalgiques continuent de fredonner les chansons de Abdelhalim. Le jeune Egyptien issu d'un milieu très pauvre avait pu, grâce à sa belle voix et ses innovations, trouver une bonne place face à de vraies pyramides, telles qu'Oum Kaltoum, Farid El Atrache et Mohamed Abdelwahab. Si Oum Kaltoum, la plus grande chanteuse de tous les temps, n'aimait pas beaucoup Abdelhalim, qu'elle considérait peut-être comme un chanteur de variétés, Mohamed Abdelwahab l'a encouragé et lui a composé plusieurs chansons. L'innovateur Abdelhalim avait en fait suivi l'idée de Mohamed Abdelwahab, en introduisant de nouveaux instruments de musique au tarab, mais y a ajouté aussi sa façon de chanter et de se tenir sur scène. Il était le premier chanteur à se transformer pendant les pauses musicales en chef d'orchestre. Sur scène, il n'hésitait pas à parler et sourire au public, avec lequel il créait un dialogue amical dès son entrée sur scène. Comme les chanteurs de rock américains, il créait de l'ambiance dans la salle et ses fans tentaient souvent de monter sur scène. El ândalib el asmar (le rossignol brun), comme on le surnommait, avait su profiter de la présence des plus grands poètes et compositeurs, notamment Mohamed El Moudji et Nizar Qebbani. Grâce à ses chants patriotiques, tels que Di Mes'oulya, il avait gagné la sympathie du président Gamal Abdel Nasser, devenu son ami. Au début des années 1970, Abdelhalim avait chanté devant le public algérois dans un stade de Bologhine archicomble. C'était au moment où tout Alger fredonnait Zey El Haoua. D'autres succès viendront par la suite, notamment Qari'at El Fingan (la voyante) dédiée à la seule femme qu'il a aimée et qu'il n'a pu prendre comme épouse. Suite au deuil qui a suivi la mort de sa dulcinée, l'artiste aurait décidé de ne jamais se marier. D'autres penseront que son célibat est dû à ses nombreuses maladies, notamment son asthme. Dans les années 1950, le rossignol avait déjà du succès en Algérie. Bien que ce succès soit éternel, il faut dire que les jeunes Algériens, notamment les filles, étaient épris de lui. Le café Abdelhalim A Belouizdad, il y avait un café où l'on passait tout le temps les disques du «Rossignol brun». Le café Abdelhalim, comme on l'avait baptisé, attirait tous les fans du chanteur égyptien. Les enfants du quartier se souviennent de ces jeunes qui venaient régulièrement écouter ses chansons en pleurant, pendant que d'autres tentaient d'écrire les textes pour les apprendre. Les fans de Abdelhalim se coiffaient comme lui et affichaient leur amour pour leur idole. L'émission «Alhane Oua Chabab», qui était animée par la chanteuse Seloua aux côtés du chef d'orchestre Moati Bachir, accueillait souvent des imitateurs de Abdelhalim. Certains d'entre eux, tels que le défunt Mohamed Rochdi, ont fini par trouver leur propre style et une place parmi nos meilleurs chanteurs de l'époque. Le passage à l'Olympia restera dans la mémoire du Tout-Paris. A cette occasion, Abdelhalim a réussi à ajouter son nom à ceux qui ont donné à la chanson arabe ses lettres de noblesse, après le passage d'Oum Kaltoum et l'Algérien Aïssa El Djermouni, qui fut le premier à chanter l'Olympia.