Le cinéma égyptien est en berne et tout le monde arabe est en deuil. Le grand acteur d'Oum Eddounia, Ahmed Zaki, vient de s'éteindre à l'âge de 58 ans. Ayant sombré, il y a quelques jours, dans un profond coma des suites d'un cancer du poumon en phase finale (métastase) l'ayant miné, Ahmed Zaki, brun et gentleman charmeur, ayant brillé dans des rôles très remarqués et charismatiques, a succombé à sa maladie, hier, à l'hôpital Dar Al Fouad au Caire. En février 2004, le président égyptien Hosni Moubarak, compatissant à l'issue du mal qui rongeait Ahmed Zaki, avait pris la décision de prendre en charge les soins nécessaires en l'envoyant dans un hôpital parisien. Ahmed Zaki Abderrahmane, issu d'une modeste famille paysanne, est né en 1949 à Zagazig, localité située à l'est du Caire. Au milieu des années 1960, Ahmed Zaki troquera une formation de métallurgiste pour celle plutôt artistique au sein de l'Institut supérieur d'art dramatique du Caire. Son tout premier rôle fut dans la pièce théâtrale Halalou Chabli. Mais le vrai succès d'estime le révélant au public fut dans Madrassat El Mouchaghibine. Sous les conseils et l'impulsion du cinéaste Mohamed Khan, le jeune Ahmed Zaki, passionné viscéralement par les planches, évoluera sous sa direction dans des films comme Mister Karaté et Le berger et les femmes ou, plus tard, dans Sadate. Affublé de titre d'« acteur aux mille visages ». Car jugé tel un caméléon du cinéma égyptien, allant du jeune voyou au leader politique en passant par le rustre et naïf paysan ou encore le playboy cairote. D'ailleurs, les médias d'Egypte et ses admirateurs le surnomment aussi le Tigre noir. Une autre dénomination superlative ! De front, il crèvera le petit écran du monde arabe dans des feuilletons télévisés à l'instar d'El Ayam (les jours), Houa wa hiya (Elle et lui) et Je mens mais... Boulimique, Ahmed Zaki possède une filmographie d'une soixantaine de films où il se distinguera de par un jeu de rôles et des « characters » le faisant adopter par la plèbe. Une star au pléonasme populaire. Ce côté « gendre idéal » plaisait aussi à cette Egypte exubérante et émouvante. On verra Ahmed Zaki dirigé par Ali Abdel Khalek dans El Baïda min bayniha, par Salah Abou Seif, par Daoud Al Saïd dans Ard El Khaouf (la terre de la peur), par Youssef Chahine dans Iskandaria Lih (Alexandrie, pourquoi ?), par Khaïri Bishra dans Kabouria. Faisant confiance aux jeunes réalisateurs, Ahmed Zaki jouera dans le film Adhak... natlaâ houloua de Cherif Arfet. D'ailleurs, son dernier film Halim désormais posthume est avec Cherif Arfet. En janvier dernier, Ahmed Zaki, qui se savait déjà malade, avait fait montre d'un grand courage en prenant part à un tournage du très attendu Halim de Cherif Arfat portant sur la vie de la légende de la musique égyptienne Abdel Halim Hafez (Al Andalib El Asmar). Le film est à 90% en chantier. Lors de sa dernière apparition publique - une conférence de presse pathétique au Caire où prenaient part des centaines de journalistes arabes -, Ahmed Zaki était serein, jovial et joyeux contre toute attente. Donnant ainsi une belle leçon de courage. Ahmed Zaki, à travers Halim, livre un message et une image testamentaires. Car avec Abdelhalim Hafez, il partage le même destin : le départ prématuré ! « Ô les gars, j'ai beaucoup de choses en commun avec Halim (Abdelhalim Hafez). On vient du même village Echarqia. Il y a des choses du destin qui nous lient. Lorsque je me suis rendu, il y a plus d'une année à Londres pour une intervention jugée banale, j'ai découvert que le médecin était celui qui avait traité Abdelhalim Hafez. Alors j'ai pris peur... Et je l'ai faite... », avait expliqué Ahmed Zaki, non sans rire et de bonne humeur pour ne pas dire humour à l'endroit de l'assistance « bluffée » et au bord des larmes par ce courage exemplaire. Ahmed Zaki était éperdument épris du cinéma égyptien : « Ma peau, c'est l'Egypte actuelle. Avant, elle copiait le cinéma d'Hollywood, aujourd'hui elle n'a plus de problème avec elle-même... Dernièrement, un jeune mécano du Caire est venu me dire que j'ai fait le bonheur de sa vie. Dans son quartier, il a attendu six années pour que la fille dont il était amoureux commence à le regarder parce qu'il est le sosie d'Ahmed Zaki. » A titre posthume, l'acteur Ahmed Zaki a demandé au réalisateur Cherif Arfet de filmer ses obsèques pour les intégrer dans le film Halim. Ahmed Zaki sera inhumé aujourd'hui et, selon les médias locaux, l'on s'attend à des funérailles similaires à la diva Oum Kalsoum ou encore Abdelhalim Hafez. Encore un signe du destin à la dimension de sa grandeur.