Abdelkader Bensalah est trop volubile pour laisser transparaître quelque état d'âme, mais on imagine bien son embarras quand beaucoup des cadres du RND se sont mis à applaudir l'évocation d'Ahmed Ouyahia. Réuni pour préparer les consultations avec la présidence de la République, l'état-major du parti s'est retrouvé dans une posture bien inconfortable puisque la perspective de retrouver son leader «perdu» ne pouvait pas être une rencontre «normale» entre un dépositaire de la délégation de responsabilité présidentielle avec une formation politique, quand bien même elle serait de la «majorité» aux affaires. Même si c'est Bensalah lui-même qui a pris les devants pour dire tout le bien qu'il pense du nouveau directeur de cabinet du président de la République et de louer les qualités de celui qui, il n'y a pas si longtemps, a été traîné dans la boue avant d'être poussé vers la porte de sortie pour lui céder le fauteuil de patron… par défaut. Après la parenthèse dithyrambique du chef, tout le monde pouvait donc applaudir sans gêne. Une pirouette de M. Bensalah qui a l'avantage de le tirer lui-même d'affaire tout en donnant l'impression qu'elle était destinée au confort de son auguste assistance. Tout est bien qui finit bien, même si le meilleur est à venir. On imagine la délégation du RND allant se «faire consulter» par Ahmed Ouyahia. Bien sûr, on pourrait toujours expédier la situation en disant ce qui est évident pour tout le monde : pourquoi voudrait-on qu'il y ait un problème, puisque sur l'essentiel, l'entente devrait être parfaite entre le représentant du président de la République et un parti aux avant-postes de ses soutiens ? Justement, le problème est que les choses ne sont pas aussi simples. Parce que d'un côté - le plus avantageux - il y aura Ouyahia en maître des lieux, et de l'autre, des partisans qui vont se présenter dans une posture des plus inconfortables. Face à un homme qui, en dépit des colossaux efforts de courtoisie qu'il va déployer, ne peut pas avoir oublié ce qu'on lui a fait, ils n'auront ni l'avantage d'opposants qui doivent se faire respecter, ni celui d'alliés que le partenaire doit écouter avec l'évidente arrière-pensée qu'ils s'entendent sur le fond. Surtout que la guerre de leadership dans ce parti est loin d'être terminée. Orphelin d'un vrai patron, le RND est en plein doute, et de ce fait se pose toutes les questions possibles. Y compris celle d'un possible retour de «Si Ahmed». D'abord parce que son… retour dans la cour des grands a ramené ses fossoyeurs de l'illusion qu'il était en «fin de mission». Ensuite parce que sa «réhabilitation» à un moment si crucial peut surtout annoncer une destinée beaucoup plus importante que son poste actuel. Et quand on y ajoute le fait que les prochaines batailles seront extrêmement exigeantes en matière de volume politique, on prendra aisément la mesure de ce qui va constituer les «débordements» de la consultation sur la révision constitutionnelle. Viendra boucler la boucle ce secret de polichinelle : M. Ouyahia n'a jamais renoncé à ses ambitions présidentielles et il est plutôt bien placé pour le montrer. Et il est trop intelligent pour envisager ça sans sa famille politique naturelle. Enfin, appelons-là ainsi et pas seulement par commodité de langage. On imagine alors la «consultation». Bien sûr, on s'en tiendra formellement à l'objet officiel de la discussion, mais on n'a pas besoin d'être un joueur fou pour parier que d'un côté comme de l'autre de la table, on aura la tête ailleurs. Et pas très peu. [email protected]