Le calme est revenu mercredi dans les rues de Donetsk au lendemain de la plus violente bataille depuis le début du soulèvement séparatiste dans l'est de l'Ukraine. Plus de 50 rebelles pro-russes sont morts dans l'offensive sans précédent que l'armée ukrainienne a menée lundi et mardi autour de l'aéroport de Donetsk, dont elle a repris le contrôle. Les séparatistes accusent les forces gouvernementales d'avoir détruit un camion transportant des blessés. Kiev dit n'avoir essuyé aucune perte. Le gouvernement ukrainien semble avoir interprété la facile victoire de Petro Porochenko à la présidentielle de dimanche - élu dès le premier tour avec près de 55% des voix - comme un blanc-seing pour lancer sans attendre une action d'envergure. D'autant qu'une partie des troupes russes à la frontière sembleraient avoir amorcé un mouvement de retrait. La Russie a procédé au retrait de plusieurs milliers de soldats de la zone proche de la frontière orientale de l'Ukraine mais des dizaines de milliers d'autres sont restés sur place, selon un officier de l'Otan contacté mercredi. Cette riposte ukrainienne est un défi direct à Vladimir Poutine qui avait répondu au renversement du président pro-russe Viktor Ianoukovitch en février à Kiev en déclarant que la Russie avait le droit d'entrer en Ukraine pour défendre les russophones. En mars, il annexait la Crimée. EVITER UNE "GUERRE FRATRICIDE" Mardi, le président russe, dont c'était la première déclaration sur le sujet depuis la présidentielle ukrainienne, a plaidé pour l'arrêt immédiat des opérations militaires et en faveur du dialogue entre Kiev et les dirigeants régionaux pour mettre fin à la crise. Mercredi, son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a de nouveau souhaité la fin des opérations militaires contre les séparatistes et l'ouverture d'un dialogue pour épargner au pays une "guerre fratricide". Petro Porochenko dit aussi vouloir engager un dialogue avec Moscou. "Je ne doute pas un instant que Poutine pourrait mettre fin au conflit en usant directement de son influence", dit-il au quotidien Bild allemand. "Je veux résolument parler avec Poutine et avoir un entretien pour stabiliser la situation." A Donetsk, ville industrielle d'un million d'habitants que les séparatistes ont proclamée capitale de leur république populaire indépendante, des boutiques restaient fermées mercredi, les rues étaient moins animées que d'ordinaire mais l'atmosphère était relativement calme. Un millier de mineurs acheminés par autocar des houillères du Donbass ont organisé une manifestation de soutien aux séparatistes. "Kiev ne nous dirige plus, nous ne l'accepterons plus", a lancé aux mineurs le chef de la république populaire de Donetsk, Denis Pouchiline, pendant qu'un avion de chasse ukrainien survolait la ville et que des coups de feu pouvaient être entendus dans le lointain, apparemment tirés par les rebelles en direction de l'appareil. "Je veux la paix, pouvoir travailler, gagner de l'argent", a déclaré un manifestant prénommé Valeri. "Je veux que les forces occupantes s'en aillent et retournent avec la junte de Kiev." "POROCHENKO PARAÎT PAS MAL" Moscou présente souvent les nouvelles autorités de Kiev, au pouvoir depuis la fuite de Viktor Ianoukovitch en février, comme l'émanation de forces "fascistes". La nette victoire de Petro Porochenko à la présidentielle a toutefois fragilisé la position du Kremlin. Ancien chef de cabinet sous des présidents pro- ou anti-Moscou, l'homme d'affaires a transcendé le clivage ouest-est qui poursuit la vie politique ukrainienne depuis l'indépendance en 1991. Les séparatistes ont bloqué les opérations de vote dans les provinces de Donetsk et Louhansk, qui recouvrent le Donbass, mais les 10% d'électeurs ainsi écartés des urnes n'auraient pu modifier la donne. Même si beaucoup d'habitants de l'Est se méfient du gouvernement de Kiev, les sondages montrent qu'une majorité d'entre eux souhaitent le maintien d'un lien avec l'Ukraine. "Je n'ai pas voté parce qu'on ne pouvait pas voter ici mais Porochenko paraît pas mal", explique Mikhaïl, gérant du théâtre ukrainien de Donetsk. "On verra. Beaucoup étaient corrects quand ils ont été élus puis se sont servis dans les caisses comme tous les autres. J'espère qu'il ne laissera pas tomber l'Ukraine."