Le Premier ministre irakien, Nouri al Maliki, a demandé mardi au Parlement de décréter l'état d'urgence en Irak après la prise de la majeure partie de Mossoul, deuxième ville du pays, par les insurgés sunnites de l'Etat islamique en Irak et au Levant. Les rebelles de l'EIIL, groupe dissident d'Al Qaïda, et leurs alliés ont attaqué une base militaire et libéré plusieurs centaines de prisonniers mardi lors d'une spectaculaire opération. Mossoul et plusieurs autres villes du nord de l'Irak dans la province de Ninive sont le théâtre de violents affrontements entre les rebelles sunnites et les forces du gouvernement dirigé par le chiite Al Maliki. Le passage de Mossoul sous le contrôle de l'EIIL constitue un sévère revers pour le pouvoir central à Bagdad car il confirme que les sunnites continuent de reconquérir du terrain depuis une année. D'autres éléments de cette organisation ont franchi la frontière pour venir se mêler au conflit syrien et enregistrent depuis six semaines des gains importants dans l'est de la Syrie. A Mossoul, des responsables militaires et policiers ont dit à Reuters que les rebelles de l'EIIL, disposant d'armes antiaériennes et de lance-roquettes, avaient pris possession de la plupart des points de contrôle que tenaient les forces de sécurité dans la ville et à sa périphérie. "Nous avons perdu Mossoul, ce matin. L'armée et les forces de police ont abandonné leurs positions et les terroristes de l'EIIL disposent d'un contrôle complet", a dit un colonel de l'armée. "C'est un effondrement total de nos forces de sécurité." L'ordre d'évacuation a été donné après la prise de la base militaire de Ghizlani au sud de la ville et la libération de quelque 200 détenus d'une prison de haute sécurité. Militaires et policiers ont mis le feu à des dépôts de carburant et de munitions avant de s'enfuir afin d'empêcher les activistes de s'en emparer. SOLDATS DEMORALISES Deux sources policières et une source gouvernementale ont précisé que les assaillants ont également libéré un millier de détenus d'une autre prison. Des milliers de familles ont commencé à fuir leur domicile pour tenter de gagner la région autonome du Kurdistan, frontalière de la province de Ninive dont Mossoul est la capitale. "Mossoul ressemble à un enfer. La ville est en feu", a déclaré Amina Ibrahim qui s'est enfuie avec ses enfants. "Mon mari est mort dans l'explosion d'une bombe l'an passé. Je ne veux pas que mes enfants subissent le même sort". Des officiers de l'armée ont expliqué que leurs soldats étaient totalement démoralisés et n'avaient plus la force de combattre les insurgés. "Nous ne pouvons pas les vaincre. C'est impossible. Ils sont parfaitement entraînés à la guérilla urbaine et nous ne le sommes pas. Ils nous faudrait toute une armée pour les chasser de Mossoul", a ajouté cet officier. Cette instabilité dans le nord de l'Irak a des répercussions en Turquie, toute proche. Les autorités turques ont ouvert une enquête sur l'enlèvement de 28 chauffeurs de poids-lourds qui convoyaient du carburant du port d'Iskenderun vers une centrale électrique de Mossoul. Les médias turcs rapportent que les chauffeurs ont été enlevés par des insurgés de l'EIIL. Le gouvernement d'Ankara cherche à obtenir la confirmation de cette information par les voies consulaires.