Appelée à prendre la relève, la génération post-indépendance doit savoir, doit connaître ce qu'ont enduré les acteurs de la glorieuse Révolution durant les 7 ans et demi d'une guerre inégale entre un peuple convaincu de sa cause et une armée coloniale destructrice. Tel est le message principal qu'a voulu transmettre Zohra Drif Bitat à travers son livre «Mémoires d'une combattante de l'ALN» qu'elle a présenté hier au forum de la mémoire du journal El Moudjahid. «Comptable devant les chouhada», Zohra Drif Bitat qui affirme que son serment, celui de l'ensemble des moudjahindine, était de «construire le pays», explique d'emblée l'objectif de ses «mémoires. «Les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas une vision claire de ce que c'était le colonialisme et les supplices vécus par le peuple», fait-elle remarquer. Il s'agit donc pour elle de «transmettre le message, sensibiliser la jeune génération qui n'a pas vécu les traumatismes de la guerre sur la réalité vécue par les combattants et par le peuple algérien dans son ensemble pendant la guerre d'indépendance». Ses mémoires qui seront disponibles en version arabe à l'occasion du Salon du livre d'Alger sont «destinés à la génération de l'indépendance», réitère-t-elle en ce «jour de souvenir». Comprendre le 5 juillet, jour de l'indépendance, était alors, explique-t-elle, «un rêve impossible» qui s'est réalisé. Mme Bitat a raconté sa période de jeunesse et celle vécue à la faculté d'Alger dès 1954. «L'esprit nationaliste né au cœur du cercle familial s'est alors consolidé», raconte-t-elle, affirmant qu'à travers son œuvre, elle a voulu d'abord raconter le colonialisme, le vécu des combattants dans la clandestinité et «comment ces jeunes ont pu faire face à l'une des plus puissantes armées et aux méthodes (tortures, tueries collectives, propagande…) qu'elle utilisait. Evoquant la bataille d'Alger, Zohra Drif Bitat qui affirme que «la bataille d'Alger» est un concept inventé par Massu pour faire accroire qu'il existe réellement une «égalité» entre deux armées n'est qu'un acharnement d'une armée qui dispose d'armes de pointe contre un peuple démuni, sans armes ou se défendant avec des armes rudimentaires. «Notre force, ce n'est pas dans les armes mais dans notre conviction, notre solidarité», affirme-t-elle. «Les moudjahidine au sein de la population sont comme un poisson dans l'eau. Pour Massu, il fallait donc assécher l'eau, c'est-à-dire frapper le peuple», argue-t-elle pour expliquer les sévices et les atrocités subies. «Il y avait même à l'époque des 'fatwa' militaires pour dire que la torture est 'halal'», ironise Mme Zohra Drif pour attirer l'attention sur l'ampleur des atrocités coloniales. «J'ai voulu dans le livre donner également une image vivante sur les chouhada avec lesquels j'ai vécu», a-t-elle dit, citant les «poseuses de bombes», Hassiba Benbouali ou encore Djamila Bouhired. «J'ai juré de n'écrire que ce que j'ai vécu et ce que j'ai vu», a-t-elle encore ajouté, comme pour faire taire certaines critiques. L'intervenante qui répondait à une question sur la génération post-indépendance qui n'aurait pas eu toute sa place ou sa chance dans l'Algérie indépendante relevait qu'au sein des administrations et autres services, c'est cette jeunesse qui est désormais aux commandes, «y compris au sein de l'exécutif, où à part le président, tous les ministres sont de cette génération». Pour elle «rien ne se donne, tout s'acquiert». Réagissant à une question sur «la déception de certains moudjahidine qui affirment que l'Algérie d'aujourd'hui n'est pas celle rêvée», Zohra Drif s'en défend. «Honnêtement et en toute sincérité, cela me choque», répond-t-elle, non sans mettre ce genre de déclaration sur le dos de la «réaction sous la colère». «Nous étions considérés moins que des humains. Les colons accordent plus d'importance à leurs animaux qu'à nous, voyons !», martèle-t-elle avant de raconter une «petite histoire d'une relation d'un colon avec ses employés» pour illustrer sa réaction. «Maintenant l'Etat soigne, éduque et construit des logements», répondra-t-elle encore, même si elle consent que «politiquement, c'est vrai, il y a des choses sur lesquelles on peut ne pas être d'accord».