D'inénarrables zélés vont encore reporter sine die leurs rendez-vous professionnels, de patentés oisifs vont tenir la «bonne affaire» pour justifier leur inertie chronique et de désinvoltes responsables vont encore déserter la salle des opérations parce qu'il faut bien donner l'impression d'«être dans le coup», il y a quand même une vie en dehors de la campagne électorale. Le pays ne s'est pas arrêté de tourner et les candidats à l'élection présidentielle sont censés être les premiers à s'en féliciter. Et pour cause, l'importance de la responsabilité à laquelle ils postulent ne leur permet pas d'envisager, ne serait-ce que l'espace d'un instant, un quelconque détachement des palpitations quotidiennes de la société, y compris quand elles se situent dans la foulée de la compétition politique ouverte maintenant depuis sept jours. Les prix en folie des fruits et légumes touchent trop de monde pour prétendre à la discrétion et les difficultés accumulées trop nombreuses pour qu'une échéance électorale, en dépit de toute son importance, puisse les faire oublier. Les permanences de campagne quelles que soient leur qualité d'animation n'ont pas évacué d'autres discussions qui se tiennent au seuil de leurs portes : cela va du huis clos du toujours magique MCA-USMA à l'inaccessible sardine à plus de 300 dinars le kilo. Abdelaziz Bouteflika à Béchar ou Louisa Hanoune à Skikda ne manquent sûrement pas d'intérêt, mais il y a le reste : la vie. Elle peut bien sûr être visible dans le café populaire du pays profond visité par Fawzi Rebaïne, mais elle est aussi à mille lieues de là. Dans l'opiniâtreté d'un jeune entrepreneur finalisant son projet loin des feux de la rampe et le désarroi d'un père de famille n'arrivant pas à joindre les deux bouts. Elle est dans le ton de Baaziz chantant le bled et dans le vol d'hirondelles annonçant un printemps précoce. Elle est dans les journaux accompagnant la campagne électorale sans se détourner d'autres centres d'intérêt du pays et du monde. La vie continue dans l'effort consenti à juguler la crise, dans la polémique soulevée par les déclarations du pape sur la lutte contre le sida en Afrique, dans les premiers pas d'Obama à la tête des Etats-Unis et dans le regard des Malgaches refusant le fait accompli du coup d'Etat. Tout ça, les candidats à l'élection présidentielle vont sûrement en parler. Mais on en parle aussi loin des meetings, des QG de campagne et des passages télé minutés. Les élections, beaucoup de monde l'oublie peut-être, font partie de la vie, pas le contraire. Y compris pour un moment très court, le temps d'une campagne.