D'un naturel plutôt timide, la star argentineLionel Messi a su se faire violence pour s'imposer comme le véritable patron de l'Albiceleste et assumer pleinement son rôle de leader de vestiaire et de capitaine. Le génial N.10 du FC Barcelone est habitué à capter toute la lumière. Mais il a longtemps rechigné à endosser en sélection les habits du chef, la faute à son caractère réservé et peut-être à l'envie de ne pas trop se disperser pour laisser libre cours à son formidable talent sur le terrain. Cette époque paraît révolue et le Mondial-2014 aura acté la métamorphose totale du quadruple Ballon d'Or en homme à tout faire de son équipe nationale. Il y a d'abord des petits signes qui ne trompent pas. Messi est toujours le premier à descendre du bus de sa formation, le premier à pénétrer dans le stade et surtout il n'hésite plus à dire tout haut ce qu'il pense, gardant sa langue de bois habituelle au placard. Après le succès contre la Bosnie (2-1) lors du premier match de la Coupe du monde, il a laissé échapper son scepticisme sur le jeu pratiqué par l'Argentine. Le propos n'avait rien de véhément, loin de là, mais dans la bouche de Messi, il sonnait comme une critique à peine voilée. "Nous sommes l'Argentine et je crois que nous devons être bons quel que soit l'adversaire", a-t-il ainsi déclaré. Alejandro Sabella a parfaitement compris le message et a opéré les changements tactiques réclamés par la "Pulga" avec notamment un retour au 4-3-3. Le sélectionneur, en disciple de Carlos Bilardo, sait bien que sans Messi son équipe n'aurait aucune chance de remporter une troisième fois la Coupe du monde. Comme avec Diego Maradona en 1986, il se doit d'obéir au doigt et à l'œil à sa vedette et la mettre dans les meilleures dispositions. Contraste Le contraste est total avec le Messi emprunté de 2006 et 2010, couvé par les anciens mais encore trop tendre pour élever la voix. L'étoile du Barça a mûri, s'est affirmée au fil des ans et impose désormais sa loi. Sabella a très vite saisi qu'il était temps de confier les rênes et les responsabilités de l'équipe à ce joueur hors catégorie. Le tournant majeur a eu lieu en 2011 avec l'organisation d'une réunion à Barcelone avec Messi et Javier Mascherano, le capitaine de l'Albiceleste. Un pacte a été scellé ce jour-là et le brassard confié à "Leo", officialisant ainsi sa prise de pouvoir totale. Mascherano reste l'aboyeur sur la pelouse, une tâche que n'a jamais appréciée Messi, mais ce dernier est bien le nouveau "boss". "C'est une référence pour nous tous", déclare ainsi le défenseur Ezequiel Garay alors que le milieu Lucas Biglia évoque à son sujet "un leader positif". Le parallèle avec le Maradona de 1986 s'impose d'autant plus que Messi survole la compétition et tient à bout de bras une formation argentine totalement démunie sans lui. Avec quatre buts, des actions de classe, une passe décisive à Angel di Maria pour délivrer les siens en huitième de finale contre la Suisse (1-0), le parcours de la "Pulga" rappelle étrangement celui au Mexique du "Pibe de oro", qui avait à sa disposition une armée toute dévouée. Oubliées les remarques acerbes le concernant au pays, qu'il a quitté très tôt pour rejoindre la "Masia" du Barça (à 13 ans) et où il n'a donc pas toujours joui d'une totale reconnaissance. Ses prestations passées en sélection, très décevantes, n'avaient pas non plus aidé sa cause. L'anomalie est en train d'être réparée au Brésil. Avec 42 buts en équipe nationale à 27 ans, le record de Gabriel Batistuta (56) ne sera bientôt plus qu'un souvenir et viendra s'ajouter à ses nombreux faits d'armes sous la tunique blaugrana. Il ne lui reste plus qu'à monter sur le toit du monde dimanche au Maracana pour regarder enfin Maradona droit dans les yeux. En patron.