Il est triste, Zoubir. Pourquoi ? Le Brésil, «son» Brésil a perdu et quitté la Coupe du monde sans gloire. Ses préférés de toujours ne peuvent même pas… rentrer à la maison pour trouver quelque réconfort auprès des leurs, comme d'autres vaincus qui savent que leur détresse sera soulagée dans la chaleur des retrouvailles avec leurs proches, toujours là dans les coups durs. Ils ne peuvent pas rentrer à la maison, ils y sont déjà, même si leurs camps de base professionnels sont sur un autre continent. Zoubir se console comme il peut, le monde entier parle plus de la défaite des Brésiliens que de la victoire de leurs bourreaux du jour, les Allemands. N'allez surtout pas lui dire que l'Algérie joue mieux que le Brésil sous prétexte qu'elle a «fait souffrir» l'ogre allemand qui a terrassé ses favoris. «C'est deux choses différentes», réplique-t-il systématiquement à cette comparaison qu'il trouve d'ailleurs tirée par les cheveux. Tellement tirée par les cheveux qu'il ne juge même pas utile de rappeler que les Verts ont quand même perdu contre la Mannschaft et que s'il y a une sélection qui les a fait douter, c'est le Ghana, qui leur a imposé le partage des points. Bien sûr, Zoubir a vibré pour les Verts, c'est son pays et il trouve ridicule qu'on le soupçonne de manquer de patriotisme. Quand on aime une sélection, c'est toujours après celle de son pays, c'est une évidence pour lui, mais les évidences ne sont pas… évidentes pour tout le monde, pense-t-il dans un demi-sourire. Le Brésil, c'est le Brésil, même quand il perd par sept buts à un à la maison, dans une coupe du monde où seule la victoire finale pouvait être une victoire. Zoubir est un passionné de foot. Et le foot, c'est avant tout le Brésil. Pour la beauté du spectacle, la finesse du geste, la magie des élans et la folie des gradins, l'immortalité des légendes. Zoubir ne trouve nulle part ailleurs autant de raisons de succomber que dans ce pays. A ceux qui lui disent que le Brésil est trop loin, il rappelle que la proximité, un peu comme on dit pour l'exiguïté chez nous, est d'abord «dans les cœurs». Zoubir n'est jamais allé au Brésil, il n'y songe même pas. Il n'est pas vraiment ce qu'on pourrait appeler un aventurier et il sait qu'il ne pourra jamais se payer un séjour sans risque au pays de Neymar. Ah, Neymar, il en veut un peu à cette perle rare qui a choisi le Barça alors que lui, préfère le Real. Juste un peu, parce qu'un Brésilien est un brésilien, même quand il joue au Barça. Et puis, il a jusque-là cette petite consolation de le voir nettement mieux jouer pour sa sélection que pour son club employeur. Il arrive que même un bonheur n'arrive jamais seul. Mardi soir après la défaite du Brésil, Zoubir n'était pas malheureux. Il était triste mais pas malheureux. Encore une nuance que tout le monde ne peut pas saisir. Il a même ressenti une sorte de sérénité qui ne doit pas être très loin du bonheur quand il a lu ce texte publié par un internaute sur un réseau social : «Dans les larmes de naufragé de David Luiz, dans la prière désespérée de Paulinho et dans la détresse hagarde de cette supportrice, il y avait quelque chose d'insaisissable qui va au-delà d'un match de foot, du coup dérisoire. Je ne sais pas pourquoi, j'ai la nette impression que la défaite de ce soir m'a rapproché des Brésiliens plus que toutes leurs victoires». Slimane Laouari