Le nouvel Envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour la région des Grands Lacs d'Afrique, Said Djinnit, a appelé jeudi à Alger les pays de la sous région du Sahel à conjuguer leurs efforts et à collaborer avec les institutions régionales et internationales afin de stabiliser cette région de façon durable. Dans un entretien à l'APS, l'ancien Envoyé spécial de l'ONU pour la région d'Afrique de l'Ouest (UNOWA), explique que la stabilité et la sécurité de la région du Sahel sont d'abord "de la responsabilité des Etats de la région, alors que la valeur ajoutée des organisations internationales est de ramener ces pays à travailler ensemble". "Ce sont les Etats de cette région qui ont la légitimité et la capacité et doivent se doter des moyens pour face à l'instabilité, alors que la communauté internationale est là pour jouer un rôle de facilitateur et pour donner plus d'efficacité aux efforts communs des Etats de la sous région", a expliqué le diplomate algérien. Le Sahel, une région transformée en "poudrière" Rappelant les nombreuses initiatives prises par l'ONU et la communauté internationale pour mettre en commun leurs moyens au profit des pays du Sahel, M. Djinnit note que cette région est devenue "une poudrière", notamment "après la crise libyenne et le flux d'armes et d'hommes armés qui s'ajoutent aux armes existant dans la région depuis les années 1990." La situation est "explosive" dans le Sahel, a-t-il affirmé, relevant l'importance que des pays comme l'Algérie prennent des initiatives avec le soutien de l'Onu et des institutions régionales pour "mutualiser les moyens des Etats face aux différents dangers" qui pèsent sur la région, comme "les réseaux transfrontaliers du crime organisé nourris par le trafic de drogue autour duquel s'organisent les autres trafics". A cet égard, il cite l'exemple du Nigeria qui représente le pays le plus peuplé et l'économie la plus forte d'Afrique mais qui se trouve aujourd'hui désormais dans un "très mauvais état". "Le Nigeria est désemparé face à la férocité du groupe armé Boko Haram. Ce pays d'Afrique de l'Ouest souffre au quotidien des actes barbares de ce terrorisme qui est un problème régional", déplore M. Djinnit. Ainsi, a-t-il argumenté, "la stabilisation du Sahel passe par la coopération régionale, affirmant, à titre d'exemple, que des pays comme l'Algérie et le Nigeria ont une responsabilité particulière à travailler ensemble et avoir une vision pour la stabilité de la région". L'Afrique de l'Ouest, une région qui avance mais confrontée à des menaces Dans la région d'Afrique de l'Ouest qui compte pas moins de 13 pays regroupés au sein de la Cédéao, M. Djinnit a fait état de "grandes avancées démocratiques et d'intégration économique et monétaire" mais "cet espace géographique africain reste toutefois confronté à de grands problèmes et à d'autres défis". "Le premier défi de la sous région, qui avance et consolide ses institutions, est, selon M. Djinnit, la pauvreté sévissant dans certains de ses pays membres, en l'occurrence ceux se trouvant dans le Sahel où le chômage des jeune est remarquable". Une partie de l'Afrique de l'Ouest, le Sahel, reste "la plus pauvre", a-t-il dit. Il y a de "grands projets d'infrastructures mais les institutions sont encore faibles et n'arrivent pas à faire face à des fléaux, en particulier le trafic de drogue, le crime organisé et le terrorisme", a déploré M. Djinnit, qui a assumé, pendant plus de six années, les fonctions de représentant spécial de l'ONU et de chef de bureau des Nations Unies pour la région de l'Afrique de l'Ouest. "Il s'agit là d'une menace contre laquelle les Etats d'Afrique de l'Ouest sont très peu préparés", d'où l'importance de "travailler ensemble avec le concours de la communauté internationale", a-t-il poursuivi. Sachant que la sous région est en "pleine transition démocratique", les institutions régionales et internationales (Cédéao, ONU et UA) doivent travailler de concert pour accompagner les pays d'Afrique de l'Ouest à faire face à leurs difficultés, a-t-il plaidé. "Le grand danger reste le crime organisé, le trafic de drogue en particulier, qui, malheureusement, est en train d'affaiblir les institutions de l'Etat et de porter préjudice à la crédibilité des institutions", poursuit M. Djinnit. L'action des Nations Unies dans cette région a été "très utile en travaillant étroitement avec l'Union africaine et la Cédéao pour essayer de prévenir les crises", s'est réjoui M. Djinnit. "Ceci nous a permis d'éviter des situations très difficiles et des violences qui auraient dégénéré en conflit fratricide", a-t-il souligné. Les Grands Lacs : "un passé humanitaire très lourd" Pour ce qui est de la région des Grands Lacs d'Afrique--ou il vient d'être nommé Envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU--, des pays comme le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) souffrent de "difficultés", a affirmé M. Djinnit. Le Rwanda, où plus d'un million de personnes avaient été tuées durant la guerre civile, subit "les conséquences d'un passé humanitaire très lourd", alors que la RDC fait face à la "difficile gestion de ses richesses" du fait de son "vaste territoire", a-t-il relevé. "La vision d'un pays comme le Rwanda est particulière pour sa sécurité de la même façon pour un pays aussi vaste et aussi riche que la RDC qui a, pour sa part, des difficultés à mettre en place des dispositifs de gouvernance", a-t-il encore précisé. Pour lui, la priorité est de "de contribuer avec les autres institutions régionales à stabiliser de façon durable cette région."