49 ans après les faits, l'affaire Mehdi Benbarka reste pendante: l'enlèvement du leader de la gauche marocaine le 29 octobre 1965 à Paris, et le silence des autorités françaises et marocaines sur ce dossier sera au menu d'un sit-in mercredi soir devant le lieu de son kidnapping. Dans la capitale française, la famille Benbarka, leurs amis et des ONG de défense des droits de l'homme vont organiser mercredi à 18 heures devant la brasserie Lip, au Blvd Saint- Germain, lieu de l'enlèvement de Benbarka, un sit-in pour dénoncer sa disparition, et demander aux autorités françaises et marocaines de lever le voile sur cette affaire. ''Les raisons et les complicités d'Etats continuent de protéger les assassins'', et ''les gouvernements français et marocain doivent aider l'action de la justice pour la vérité'':
ce sont les deux slogans que les ONG et associations de défense des droits de l'homme en France ont choisi pour commémorer le 49eme anniversaire de l'enlèvement de l'opposant politique marocain, Mehdi Benbarka. Pour l'ensemble des observateurs, ONG'istes, politiques, militants, journalistes, et surtout la famille Benbarka, le drame dans cette affaire, est que presque 50 ans après, l'enlèvement du leader de la gauche marocaine est toujours marqué du sceau du secret: personne ne sait comment il est mort, où il est enterré, quelles sont les complicités et les vrais motifs de son enlèvement. C'est ce que tente de démêler un juge français, Patrick Ramel, désigné par le parquet de Paris pour enquêter sur cette affaire. En fait, un premier procès de l'affaire Benbarka, vite expédié, s'est achevé par un arrêt de la cour d'assises de la Seine le 5 juin 1967. Cet arrêt est resté muet autant sur les circonstances de l'enlèvement, ses auteurs, ou la disparition de Benbarka. L'affaire en restera là, jusqu'en 1975, le 21 octobre plus exactement, après le dépôt d'une plainte contre ''X'' par le fils aîné de Benbarka, Bachir. Le 14 novembre 2004, le dossier, pendant depuis devant la justice française, est relancé avec l'annonce de la décision de l'ex-ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie de lever totalement le ''secret défense'' sur cette affaire. Le journal Le Monde, qui revient surf l'affaire, écrit que ''cette déclassification touche 73 documents regroupés dans le scellé fermé intitulé “Affaire Benbarka”, soit au total 295 feuillets imprimés soit recto verso (3 pièces), soit simple recto (292 pièces), auxquels s'ajoutent deux enveloppes et trois photographies''. Un mois avant cette annonce, le conseil consultatif (français) du ''secret défense'' avait donné un avis favorable pour la déclassification du dossier de l'affaire Benbarka, et a ordonné tout simplement la levée du secret défense, et la remise au juge français Claude Choquet des 73 documents relatifs à ce dossier. Blocages Mais, au Maroc, le juge français chargé du dossier, Patrick Ramel, ne parvient pas entre 2004 et 2012 à rencontrer des témoins importants dans ce dossier. Il veut notamment rencontrer de hauts responsables marocains, dont des officiers supérieurs. Il s'est en outre déplacé plusieurs fois à Rabat, sans succès. Selon l'Association marocaine de défense des droits humains (AMDH), le juge français voulait en particulier recueillir ''les témoignages d'une vingtaine de citoyens marocains, dont certains hauts responsables, et visiter le centre de détention secret de Rabat (le PF3), qui pourrait être le lieu d'enterrement de la dépouille de Mehdi Benbarka''. Le ''PF3'' était un ancien camp de concentration situé sur les hauteurs de Rabat, près de Souissi, et où auraient été incarcérés des militants de la gauche marocaine durant les ''années de plomb'' (1958-2004). Mais, en dépit de la mise en place d'une instance chargée d'enquêter et de rétablir la vérité sur les ''années de plomb'' au Maroc et la fin des camps de concentration, dont celui tristement célèbre de Tazmamart, l'instance Equité et Réconciliation (IER), n'a rien fait pour rétablir la vérité sur l'affaire Benbarka, estiment des ONG locales. A la suite de la déclassification de l'affaire en France et la levée par le ministère de la Défense du ''secret défense'', l'appel d'ONG marocaines, dont l'AMDH, aux autorités marocaines à ''participer à faire toute la vérité sur l'affaire Mehdi Benbarka'' est resté sans écho. L'avocat de la famille Benbarka, Maurice Buttin, a résumé ce drame: ''Français et Marocains ont participé à cette opération (d'enlèvement), mais j'insiste sur le fait que la vérité est à Rabat''. Un rapport élaboré par une instance mise en place en 2004 par les pouvoirs publics (IER) sur les ''années de plomb'', sur la base de témoignages d'anciennes victimes des graves violations des droits de l'homme au Maroc n'a soufflé mot sur l'affaire Benbarka. L'ex-premier secrétaire de l'USFP, Mohamed El Yazghi, avait alors estimé que le dossier des graves violations des droits de l'homme au Maroc ne peut être fermé ''tant que toute la vérité sur l'affaire Mehdi Benbarka n'est pas élucidée''. L'affaire Benbarka, ainsi que d'autres disparitions de militants et opposants politiques marocains entre les années 60-70 et 80, n'a pas été abordée par l'IER dans son rapport de 700 pages sur les graves violations des droits de l'homme au Maroc depuis l'indépendance du pays.