Mais que pouvons-nous bien faire de l'eau pour demander la pluie ? Vendredi, l'Algérie pieuse a prié pour qu'il pleuve. Le reste est resté sceptique, quand il n'est pas sarcastique. Il y a ceux qui ne croient pas qu'on peut obtenir une ondée en priant, les autres pensent que ceux qui ont prié manquent de crédibilité et ne devraient pas être suffisamment dans les grâces du Seigneur pour que leur vœu soit exaucé. Les mauvaises langues, péremptoires comme souvent et terre à terre comme toujours, expédient l'affaire en un geste, deux mouvements et quelques mots : «ils» ont attendu que la météo annonce la pluie pour programmer «salat el istisqa». C'est vrai que c'est un peu facile et commode pour ceux qui prient comme pour ceux qui en rient sous cape. Difficile pour ceux qui prient de prouver leur bonne foi et de démontrer le contraire. Il y a toujours quelques cumulus qui pendent au ciel, au moment où on décide de leur demander d'aller implorer Dieu pour avoir de la pluie. C'est tellement récurrent que la coïncidence devient difficile à avaler. Pour ceux qui s'en gaussent, c'est à croire qu'ils sont nés avec le doute dans la tête et le sarcasme à la bouche. Sinon, il faudra leur demander s'il faut prier pour la pluie au mois d'août pour être sûr qu'il n'y ait aucun nuage qui assombrit le ciel et espérer ainsi entrer dans leur… grâce. Et peut-être bien échapper à leur ironie. Mais ils sont sympas, les sceptiques. Pour la quête improbable de pluie comme pour plein d'autres choses, ils ont ce petit «truc» irrémédiable qui leur confère une attachante sincérité. La sincérité, tous les prieurs qui s'adressent, au moins une fois l'an au ciel pour que le… ciel soit plus généreux, n'en sont pas dépourvus. On les voit, souvent sereins et confiants, aller par conviction et parfois par acquit de conscience, s'adresser au Seigneur pour que leur terre se fertilise, pour éloigner la hantise de la disette et pour que l'herbe soit plus verte sous leurs pieds, dans un pays qui ne manque déjà pas d'angoisse quand il pleut des cordes. Il y a enfin ceux qui posent les grandes questions, comme les autres, leur religion est faite : que savons-nous faire de la pluie, puisque nous allons chercher le blé partout dans le monde, y compris là où on n'a pas besoin de pluie pour en faire pousser ? Et d'autres encore, tellement zélés qu'ils suggèrent, en des termes à peine voilés, que pour irriguer nos terres agricoles, «l'Etat» a fait ce qu'il fallait faire. On a construit des barrages et des systèmes hydrauliques et tout et tout… Enfin pas tout, l'Etat, disent-ils avec autant d'irritation que les autres de sarcasme, ne peut tout de même pas faire tomber la pluie. Eh, oui, c'est l'eau de pluie et la fonte des neiges qui remplissent les barrages, et si quelqu'un l'a oublié, on ne perd rien à le lui rappeler. Puis le meilleur de tous, celui qui ouvre sa fenêtre le matin et s'en prend systématiquement aux autorités parce que le temps qu'il fait, beau ou mauvais, c'est selon, ne lui convient pas. Et il ne manque souvent pas d'arguments. Sinon, il pleut déjà un peu. Que la prière y soit ou non pour quelque chose, c'est déjà ça.