La météo avait vaguement annoncé que le climat allait se gâter quelque peu mais Zinou n'écoute pas la météo et quand ça lui arrive par inadvertance d'en entendre parler, «en deuxième main», comme disent les vendeurs de voitures et les trafiquants d'appartements, il en rigole toujours. Silencieusement du coin des lèvres ou bruyamment, à gorge déployée. Pourtant, mardi passé, la météo aurait pu l'intéresser. Le passionner même ! C'est que la météo, pour Zinou, n'a de sens que les jours de match du Mouloudia, quand le danger plane sur la pelouse du 5-Juillet, jamais en panne de mauvaise surprise. «Pourvu qu'il ne pleuve pas», répète-t-il à l'envi, les yeux et l'index pointés vers le ciel envahi par les cumulus. Ce mardi, une fois «rassuré» que son club de cœur n'allait finalement pas jouer le match contre El Harrach à… El Harrach, Zinou pouvait enfin respirer. Comme pour ses amis de Béni Messous, il était de l'ultime bataille de mardi qui avait commencé quelques jours avant. Il était de toutes les batailles, mais mardi, le jour où tout devait se jouer pour que le match ne se joue pas, il n'avait pas de voiture – il n'a jamais eu de voiture – pour être dans le groupe d'élite, le nec plus ultra ,qui a été au Sheraton empêcher les joueurs d'aller jouer à El Harrach. La veille, il avait de justesse réussi à trouver une place dans le coffre de la Clio «Debza» d'un voisin et avoir l'honneur de faire partie de ceux qui ont empêché le dernier entraînement avant la «honte». Il pleut anormalement mais Zinou n'a pas l'habitude de s'inquiéter de la pluviométrie quand il n'y a pas de pelouse qui pouvait en pâtir alors qu'il piaffe d'impatience de se retrouver au «flambeau», sa tribune fétiche. Il ne s'est pas retrouvé au flambeau mais sur la placette de Béni Messous, où il avait établi un quartier général avec tous ceux, infortunés comme lui, se tenaient informés des derniers développements de la situation. Ils ont finalement gagné contre les dirigeants qui voulaient jouer le match, mais ils ne savaient pas qu'ils allaient perdre contre le ciel qui ne leur est pas tombé sur la tête, mais presque. Zinou et les siens étaient encore en train de confirmer leur «victoire» quand les cordes ont commencé à descendre. Le vent s'en est rapidement mêlé pour transformer l'ondée en infernales rafales. Ils ont bien tenté de s'abriter mais tout ce qui pouvait les protéger du ciel est devenu en quelques minutes dérisoires. L'affolement grandissait à mesure qu'ils voyaient des automobilistes déjà paniqués revenir de partout. Les issues se bloquaient l'une après l'autre. Une heure après, on ne pouvait aller nulle part à partir de là où ils étaient. Ni vers Chéraga ni vers Chevalley ni vers la forêt de Baïnem. Zinou et les siens ont vite oublié leur préoccupation du jour et en bons seigneurs, ils ont spontanément essayé de se rendre utiles. Un peu comme tout le monde, ils ne savaient pas quoi faire mais ils savaient qu'il fallait faire quelque chose. Alors ils ont commencé à s'occuper des automobilistes pris d'angoisse. Ils conseillaient aux uns d'attendre que «ça passe», indiquaient aux autres qu'ils ne peuvent pas… passer et rassuraient quelques bonnes femmes pétrifiées, les mains sur le volant. Un fourgon de police passe par là, Zinou essaie de l'arrêter sans trop savoir pourquoi mais un agent passe la tête par la vitre pour lui dire qu'il y avait une urgence. Un mur vient de s'effondrer pas loin de là et un homme en est mort. Sans savoir pourquoi, Zinou et ses amis ont couru derrière le véhicule de la police. La pluie s'est arrêtée, c'est déjà ça pour tout le monde. On ne sait pas si Zinou et son groupe ont pu faire quelque chose mais ils ont essayé. Tard dans la nuit, au dernier JT, ils n'ont pas cherché l'info «officielle» sur le match d'El Harrach. Comme les abris qu'ils cherchaient d'atteindre dans le déluge, elle était vraiment dérisoire.